| | Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits | |
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Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Mar 6 Sep - 19:05 | |
| Comme promis, voici l'histoire des conflits et batailles qui ont dû se produire entre les compagnons, résumé en six articles, qui j'espère mettra fin aux débats stériles au moins sur ce forum, je fais un copier/coller sans rien y ajouter ni omettre, j'ai vérifié grosso modo un peu sur les sites arabophones et c'est pratiquement les mêmes événements qui ont été rapportés par les historiens/théologiens sunnites, les articles qui suivent sont très précis, et objectif. ---------------------------------------------------------------------- Signification des sigles pour tous les articles :AMQ : Al-'Awâssim min al-qawâssim, Ibn ul-'Arabî FB : Fat'h ul-bârî, Ibn Hajar FMAN : Al-Fissal fi-l-milal wa-l-ahwâ' wa-n-nihal, Ibn Hazm HB : Hujjat ullâh il-bâligha, Shâh Waliyyullâh MF : Majmû' ul-fatâwâ, Ibn Taymiyya MRH : Makânu ra's il-Hussein, Ibn Taymiyya MT : Muqaddimatu Târîkh-ibn Khaldûn, Ibn Khaldûn MS : Minhâj us-sunna an-nabawiyya, Ibn Taymiyya ShAT : Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya, Ibn Abi-l-'izz WK : Wâqi'a-é Karbalâ' aur uss kâ pass manzar, eik na'é mutala'é kî rôshnî mein, Cheikh 'Atîq ur-Rahmân as-Sanbhalî. --------------------------------------------------------------------- Uthmân ibn 'Affân face aux épreuves, que Dieu l'agréeOmar, le second calife, avait désigné six illustres Compagnons pour qu'ils choisissent parmi eux celui qui deviendrait le troisième calife. Pourquoi un groupe et non une personne ? Parce que, certes, parmi ces six personnes il y avait une qui était plus apte que les autres concernant la fonction califale ; cependant, les six étaient, par rapport à cette aptitude, d'un niveau très proche ; Omar a donc préféré que le choix soit fait par concertation (MS 3/257-261, FB 7/89). Ce collège s'étant réuni, trois d'entre ses six membres expriment leur accord pour que quelqu'un parmi les autres soit calife : en fait ces trois membres remettent leur possibilité d'être nommé calife aux trois autres. Restent donc Ibn 'Awf, Uthmân et Alî. Ibn 'Awf se désiste lui aussi par rapport à la fonction de calife et propose à Uthmân et à Alî de choisir le calife parmi eux. Ils acceptent. Il se met à consulter trois jours durant les Compagnons présents à Médine. La troisième nuit, il réveille al-Miswar ibn Makhrama, l'envoie appeler az-Zubayr et Sa'd, avec qui il s'entretient. Puis il envoie al-Miswar quérir Alî, avec qui il s'entretient longuement, puis Uthmân avec qui il s'entretient longuement aussi (al-Bukhârî 7207). Il dit notamment à chacun de ces deux personnages : "Fais serment par Dieu que si tu es nommé dirigeant tu seras juste et si l'autre est nommé tu obéiras" (al-Bukhârî 3700).
Arrive l'heure de la prière de l'aube (sub'h). Après l'avoir accomplie, Ibn 'Awf envoie quérir tous les Emigrants et les Auxiliaires présents à Médine, tous les chefs des armées – ils étaient venus accomplir le pèlerinage à la Mecque avec le défunt calife Omar – et tout ce monde se réunit dans la mosquée du Prophète. Ibn 'Awf déclare alors qu'après avoir consulté les gens, il a constaté"qu'ils ne considèrent personne comme étant du même niveau que Uthmân." Il fait alors allégeance à ce dernier, et les responsables présents la lui font eux aussi (al-Bukhârî 7207). Alî aussi lui fait allégeance (al-Bukhârî 3700). Ahmad ibn Hanbal dira : "Aucune allégeance n'aura autant fait l'unanimité que celle faite à Uthmân" (MS 3/261) : les musulmans l'ont désigné comme leur dirigeant après trois jours de consultation, en étant unis, avec affection (MS 3/261). Au début, tout va bien. Hélas, à partir de la sixième année de son califat (FB 13/264), des intrigues se nouent dans les provinces les plus éloignées de Médine, surtout de l'Irak : on se met à critiquer certaines positions de Uthmân. C'est un homme du nom de Abdullâh ibn Saba' qui joue un grand rôle dans la diffusion de ces rumeurs. C'est ainsi que débute ce que le Prophète avait, de son vivant, décrit comme "l'épreuve ("fitna") qui frappera de ses vagues comme le fait la mer" et dont Hudhayfa avait dit à Omar ibn ul-Khattâb que sa présence était la "porte fermée" l'empêchant de venir à son époque (al-Bukhârî 502, Muslim 144). On reproche à Uthmân d'avoir nommé à des postes administratifs des gens de sa parenté tels que Mu'âwiya, Abdullâh ibn Kurayz, al-Walîd ibn 'Uqba, Marwân, qui appartiennent tous aux Banû Umayya. En fait Uthmân n'a fait que garder Mu'âwiya au poste auquel c'est Omar qui l'avait nommé (AMQ p. 95), et s'il a effectivement nommé certains membres de sa famille à des postes administratifs, c'est parce qu'il pense sincèrement qu'ils sont capables d'assumer les charges qui leur sont confiées : chez les Quraysh, c'est dans la famille Banû Umayya que le Prophète a le plus nommé de responsables ; après lui Abû Bakr et Omar ont eux aussi donné des responsabilités à de nombreux membres de cette famille ; Uthmân ne voit sincèrement aucun problème à faire de même (MS 3/276-277). D'autres personnes disent que Uthmân accorde, dans l'argent du trésor public, des grands dons à certains de ses parents.
Ibn Taymiyya répond : "Où sont les chaînes authentiques prouvant cela ? Uthmân faisait des dons à ses proches mais il en faisait aussi à des gens qui n'avaient pas de lien de parenté avec lui." Uthmân accordait effectivement des dons à ses parents à partir du trésor public, mais c'est parce qu'il était d'avis que la part qui revenait au Prophète revenait, après lui, au calife ; si la majorité des autres mujtahids n'ont pas eu cet avis, il en est qui, plus tard, ont eu le même avis que Uthmân [voir Bidâyat ul-mujtahid, 2/725-726] ; il y a même un Hadîth du Prophète à ce sujet, mais son authenticité fait l'objet d'avis divergents (MS 3/298). D'autre part, Uthmân était d'avis que la part que le Prophète avait le droit de donner à ses proches ("dhawi-l-qurbâ"), le calife du Prophète a aussi le droit de la donner à ses proches ; ce fut, après lui, également l'avis d'autres mujtahids (MS 3/298). Telle était la cause ayant conduit Uthmân à agir ainsi ; il était sincère dans son interprétation, même si l'avis des autres savants sur le sujet paraît plus prudent ("ta'awwala fi-l-amwâl" : MF 35/24). Les cerveaux de l'intrigue n'ont aucun scrupule pour parvenir à leurs objectifs : ils n'hésitent pas à écrire des faux qu'ils signent du nom d'illustres Compagnons et qu'ils envoient à des gens pour les soulever. Ils prétendront ainsi que Alî leur a écrit une lettre critiquant Uthmân.
Alî s'exclamera : "Par Dieu je ne vous ai jamais envoyé de lettre !" (AMQ p. 135, nous y reviendrons plus bas). Pareillement, alors que Masrûq reproche à Aïcha d'avoir écrit aux gens pour les soulever contre Uthmân, elle proteste et dit : "Par Celui en qui les croyants ont foi et que les incroyants renient, je ne leur ai pas écrit une seule lettre !" (AMQ p. 142). Signer des faux sera ainsi une des armes que ceux qui fomentent la rébellion utiliseront de toutes les façons possible (note de bas de page sur AMQ, p. 120). Bientôt les provinces bourdonnent de rumeurs dénigrant le calife. Or Uthmân est la douceur même ("ghallaba ar-raghba" : MF 35/24). Il met en place dans chaque grande ville un registre public destiné à recevoir les doléances des administrés, il invite ceux qui ont des plaintes à venir les faire entendre lors du pèlerinage (note de bas de page sur AMQ p. 128). Mais il refuse que pour le défendre on entreprenne quelque chose susceptible de faire couler le sang. Mu'âwiya lui proposera d'envoyer une petite armée assurer l'ordre à Médine car celle-ci pourrait être la proie de ceux dont on sent bien qu'ils sont en train de faire naître une lame de fond. Uthmân refuse (note de bas de page sur AMQ p. 138). Plus tard d'autres Compagnons lui proposeront de le défendre contre les insurgés. Uthmân refusera encore de faire le premier des pas qui feront couler le sang (note de bas de page sur AMQ p. 129, pp. 139-141). En dhu-l-hijja de l'an 35, les insurgés entrent à Médine (AMQ p. 132). Ils se rendent auprès de Uthmân et lui reprochent de vive voix ce qu'ils disaient jusqu'à présent dans les provinces. Uthmân leur demande : "Que voulez-vous ?" Ils font part de leurs exigences, et Uthmân finit par s'engager à les respecter : il y a notamment le fait de ne plus nommer que les gens que ces insurgés estiment dignes des postes administratifs. Il y a aussi le fait de répartir les recettes fiscales de façon égale. Pour leur part les insurgés prennent l'engagement de reconnaître son autorité en tant que calife (AMQ pp. 132-133).
Ils repartent alors de Médine satisfaits, mais bientôt ils interceptent un cavalier porteur d'une lettre signée de Uthmân qui demande au gouverneur d'Egypte de mettre à mort les insurgés. Ils reviennent alors à Médine (AMQ p. 134). Des insurgés viennent rencontrer Alî et lui disent qu'ils vont se soulever contre Uthmân et qu'il doit les aider dans cette entreprise. Devant son refus, ils lui disent : "Eh bien pourquoi nous as-tu donc envoyé la lettre ? – Par Dieu je ne vous ai jamais envoyé de lettre !" proteste Alî (AMQ p. 135). Les insurgés vont demander des explications au calife Uthmân. Celui-ci jure ne pas être à l'origine de la missive qu'ils ont interceptée. Ils lui demandent alors de leur remettre Marwân ibn ul-Hakam, son secrétaire. Uthmân refuse (AMQ p. 120, p. 136). Les insurgés assiègent Uthmân dans sa maison. Quand le Prophète vivait encore, un jour qu'il se trouvait dans un verger de Médine, et que Abû Bakr, puis Omar, enfin Uthmân étaient venus s'asseoir en sa compagnie, il avait dit à Abû Mûssâ – qui ce jour-là était à l'entrée du verger – à propos de Uthmân : "Donne-lui la permission d'entrer et donne-lui la bonne nouvelle du paradis avec une épreuve qui l'atteindra." Uthmân avait dit alors : "C'est Dieu dont on demande l'aide !" (al-Bukhârî, voir FB 7/47-48).
Un autre jour, le Prophète lui avait également dit que s'il devenait calife et que des hypocrites lui ordonnaient de se défaire de cette fonction il ne devait pas leur obéir(Ibn Mâja 112).
De même, Ibn Omar raconte : "Le Prophète parla d'une fitna [épreuve, discorde] qui surviendrait. Un homme passa, et le Prophète dit alors de lui : "Ce jour-là; celui-là sera tué injustement." Je regardai alors l'homme : c'était Uthmân" (Ahmad, authentifié dans FB 7/48). Encerclé dans sa demeure, Uthmân veut raisonner une dernière fois ses ennemis : il ne fuit pas le martyre – que le Prophète lui avait annoncé, comme nous venons de le voir – mais il ne cherche pas non plus la mort ; et surtout, il veut préserver l'unité des musulmans. C'est pourquoi il a refusé les trois propositions de al-Mughîra ibn Shu'ba dont l'une est d'employer la force pour combattre les insurgés présents à Médine (Ahmad 451).
Quant à ces insurgés, Uthmân leur dit : "Si vous me tuez, alors vous ne pourrez plus vous aimer les uns les autres, vous ne prierez plus sous la direction des uns et des autres et vous ne serez plus unis face à vos ennemis" (Târîkh ut-Tabarî, cité dans WK p. 44). Uthmân rappelle aux insurgés que le Prophète a interdit de verser le sang de l'homme, sacré par nature, sauf dans des cas précis ; or aucun de ces motifs n'est présent en lui ; "Pour quelle raison allez-vous donc me tuer ?" questionne-t-il (at-Tirmidhî 2158, Abû Dâoûd 4502, an-Nassâ'ï 4019, Ibn Mâja 2533).
Uthmân leur rappelle aussi que, du temps du Prophète, alors que les musulmans devaient auparavant acheter leur eau, il a, sur la demande du Prophète, acheté et offert aux musulmans le puits de Rûma à Médine et qu'aujourd'hui les insurgés lui interdisent de bénéficier de l'eau de la ville ; qu'il a acheté une parcelle de terrain pour la joindre à celle de la mosquée du Prophète et qu'aujourd'hui ils lui interdisent d'accomplir ne serait-ce qu'une prière dans cette même mosquée ; qu'un jour, alors que le Prophète, Abû Bakr, Omar et lui-même se trouvaient sur une colline de la Mecque, que celle-ci avait eu une secousse et que le Prophète avait alors dit à la colline de se tenir tranquille car elle portait un prophète, un juste et deux martyrs. Ses ennemis ayant reconnu tout ce qu'il leur dit, Uthmân s'exclame : "Allâhu Akbar ! Ils sont témoins, en ma faveur, par le Seigneur de la Kaaba, que je suis martyr !" (at-Tirmidhî 3703, an-Nassâ'ï 3608). Les insurgés assassinent bientôt Uthmân alors qu'il récite le Coran dans sa demeure. Ce tragique événement se produit le 18 dhu-l-hijja 35. Le Prophète avait dit : "Il y a trois événements qui sont tels que celui qui échappe [aux troubles] qui apparaîtront alors, celui-là sera vraiment sauvé [= sera chanceux] : ma mort, le meurtre d'un calife ferme sur la vérité et offrant cette vérité, et la venue de l'Antéchrist" (Ahmad 21450 etc., cité dans MS 3/342). Par une succession de malentendus entre les Compagnons et surtout par le fait que des insurgés en tireront tout le profit possible, le meurtre de Uthmân va donner toute sa force à ce que le Prophète avait décrit comme"l'épreuve ("fitna") qui frappera de ses vagues comme le fait la mer" (al-Bukhârî 502, Muslim 144) (voir plus haut).
Hudhayfa ibn ul-Yamân, qui avait expliqué à Omar que cette grande épreuve n'arriverait pas de son vivant (voir également plus haut), avait un jour dit à d'autres Compagnons : "Comment serez-vous lorsque les gens de votre religion se livreront bataille ?" (FB 13/107). Ayant maintenant appris la nouvelle du meurtre de Uthmân, il comprend que l'heure de la grande "fitna" est arrivée ; il meurt 40 jours après (MS 1/214).
Et de fait, comme l'a écrit Ibn Taymiyya, à la mort de Uthmân, la "fitna" – l'épreuve – va toucher de très nombreuses personnes (MS 3/297). ---------------------------------------------------------- | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: ARTICLE 2 Mar 6 Sep - 19:10 | |
| Le malentendu entre 'Alî et Mu'âwiya (que Dieu les agrée) Après l'assassinat de Uthmân en dhu-l-hijja de l'an 35, la situation est très délicate à Médine. De nombreux insurgés sont dans la ville et y exercent une forte présence (MS 1/206). Il ne faudrait qu'une étincelle pour déclencher un embrasement général. On vient proposer à Alî de devenir calife, mais il refuse, chagriné par le fait que Uthmân ait été tué (FB 13/69). Sur l'insistance de certaines personnes, qui lui disent que la situation nécessite que quelqu'un prenne les choses en main, il finit par accepter (Ibid.). Il racontera à des hommes venus le questionner sur ce qui s'était passé : "Des gens ont attaqué cet homme [Uthmân] et l'ont tué ; j'étais à l'écart d'eux ; puis ils m'ont nommé dirigeant ; n'était la crainte pour [l'avenir de] l'Islam, je n'aurais pas accédé à leur demande" (FB 13/72). Les insurgés présents à Médine font massivement allégeance à Alî et évoluent dans son entourage.
Un nombre conséquent de Compagnons ne font pas allégeance à Alî (voir MS 1/206, 2/292, MT p. 267), préférant attendre : ils ne comprennent pas si c'est Alî qui dirige réellement les affaires ou s'il n'est qu'un outil entre les mains des insurgés qui évoluent dans son entourage.
La discorde ("fitna") va naître de la divergence quant à l'attitude à adopter face aux meurtriers de Uthmân. C'est un droit des parents de la victime que de réclamer aux autorités que les meurtriers de leur parent soient jugés et exécutés. Malheureusement Alî n'a pour le moment pas les moyens de juger les insurgés et de leur appliquer le talion. En effet, il sent bien qu'appliquer le talion en pareilles circonstances risque de provoquer un embrasement généralisé ; il pense donc laisser les choses se calmer et juger plus tard les meurtriers (FB 13/107 MS 2/300) ; quelques mois passent ainsi.
C'est cette absence d'application du talion qui va être mal interprétée par d'illustres personnages : Aïcha, Tal'ha, az-Zubayr, Mu'âwiya et 'Amr ibn ul-'As, lesquels vont d'autant plus se méprendre sur les intentions de Alî que, comme nous l'avons vu, les insurgés lui ont massivement fait allégeance, le soutiennent et évoluent dans son entourage. - La bataille du Chameau : Nous sommes en rabî' al-âkhir 36 (FB 13/69). Dans la ville de La Mecque, où ils se sont rendus,Talha et az-Zubayr vont rencontrer Aïcha, qui y était allée pour le pèlerinage. Ils ne comprennent pas les intentions de Alî et – en toute bonne foi – croient que c'est parce que les insurgés le soutiennent qu'il refuse de leur appliquer le talion. A la tête de tout un groupe, ils partent donc de La Mecque pour l'Irak – pour la ville de Bassoraprécisément –, pensant y appeler les gens à soutenir leur demande de l'application du talion (FB 12/354, 13/71).
Quand il apprend la nouvelle du départ de ces trois personnages pour l'Irak, Alî craint que cela soit le point de départ d'une division de la communauté (FB 13/72). Il décide alors, avec l'objectif de clarifier les choses, d'aller, à la tête lui aussi d'un groupe, trouver les trois Compagnons partis pour Bassora. Son fils al-Hassan l'implore de ne pas quitter Médine et d'attendre que les choses se calment d'elles-mêmes (Ibn ul-Athîr, cité dans WK p. 51), mais Alî part quand même ; al-Hassan n'aura d'autre choix que celui de se joindre à son père à coeur défendant.
":عن قيس بن عباد، قال: قلت لعلي رضي الله عنه: "أخبرنا عن مسيرك هذا أعهد عهده إليك رسول الله صلى الله عليه وسلم، أم رأي رأيته؟" فقال: "ما عهد إلي رسول الله صلى الله عليه وسلم بشيء ولكنه رأي رأيته" : Questionné au sujet de cette marche qu'il a entreprise (FB 13), avait-elle comme source un dire du Prophète ou bien un avis personnel, Alî répondra : "Le Prophète ne m'a rien recommandé à ce sujet, ce n'est qu'un avis personnel" (Abû Dâoûd 4666).
Si les deux groupes sont sortis avec des effectifs, nul n'a l'intention d'en découdre avec l'autre : Kulayb al-Jarmî raconte que les gens de Alî disaient : "Nous ne sommes pas sortis pour les combattre – car nous ne combattrons que si eux nous attaquent en premier –, mais pour apaiser". Alî lui-même lui a dit des propos allant dans le même sens (FB 13/72). Abû Mûssa al-Ash'arî (qui était gouverneur de la ville de Kufa avant l'accession de Alî au poste de calife, et que Alî a gardé à ce poste) pense pour sa part que la situation est délicate et, bien que Alî lui demande de mobiliser des gens de Kufa pour venir grossir ses effectifs, il n'est pas décidé à le faire. Alî respecte son choix et envoie alors à Kufa son fils al-Hassan ainsi que 'Ammâr ibn Yâssir pour mobiliser des gens (FB 13/73).
Arrivés face à face, Alî parle en aparté avec az-Zubayr et lui demande : "N'avais-tu pas entendu le Prophète dire, alors que tu pliais ma main : "Tu le combattras alors qu'il sera dans son droit, puis il aura le dessus ?" – J'avais effectivement entendu cela ; je ne te combattrai donc pas" répond az-Zubayr (FB 13/70), qui quitte alors les lieux et prend le chemin de Médine (FB 6/276). La situation est en bonne voie d'être résolue pacifiquement.
Malheureusement, pendant la nuit, des insurgés parmi les fauteurs de trouble contre Uthmân, présents dans le camp de Alî, attaquent le camp de Aïcha (MS 3/332, FB 13/72). Pensant être attaqué par Alî, le groupe de Aïcha prend les armes pour se défendre. Voyant le groupe de Aïcha l'attaquer sans raison apparente, Alî appelle son groupe à prendre à son tour les armes pour se défendre. Et c'est le début de la bataille dite du Chameau (parce que Aïcha sera, au cours du combat, dans un palanquin sur un chameau). Ceci se passe en djumâdâ al-âkhira 36(FB 13/72). La bataille ne dure qu'une journée et se termine en faveur du groupe de Alî. Alî proclame :"N'achevez aucun blessé, ne tuez aucun fuyard et n'entrez dans aucune demeure"(FB 13/72).
Pendant le combat, hélas, Tal'ha a été tué par une flèche (FB 12/354, 7/105). Az-Zubayr (dont nous avons vu qu'il avait pris le chemin de Médine avant que les combats débutent) a été tué pendant son sommeil par 'Amr ibn Jurmûz, un homme qui était dans le groupe de Alî, qui avait retrouvé az-Zubayr et qui croyait bien faire en l'assassinant. Quand Amr ibn Jurmûz apporte la nouvelle à Alî, celui-ci lui annonce que le Prophète (sur lui la paix) lui avait dit un jour : "Celui qui tuera le fils de Safiyya [= az-Zubayr], fais-lui l'annonce de la géhenne" (FB 6/276, 7/104). Aïcha est traitée par Alî avec tous les égards qui lui sont dus. Il demande à Muhammad ibn Abî Bakr, frère de Aïcha, de la conduire à Médine.
"عن أبي رافع أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال لعلي بن أبي طالب: "إنه سيكون بينك وبين عائشة أمر." قال: فأنا أشقاهم يا رسول الله! قال: لا، ولكن إذا كان ذلك فارددها إلى مأمنها" : Le Prophète avait dit un jour à Alî : "Quelque chose surviendra entre toi et Aïcha. – Je serai alors le plus malchanceux des humains !s'était exclamé Alî. – Non, mais quand cela arrivera, fais-la retourner à son lieu de sécurité" (FB 13/70).
D'ailleurs, alors qu'elle était en chemin vers Bassora, bivouaquant près d'un point d'eau une nuit, Aïcha, entendant les chiens aboyer, demanda : "Quel est ce point d'eau ?" Quand on lui eut dit qu'il s'agissait de Haw'ab, elle s'était exclamée : "Je ne pense pas que je vais faire autre chose que retourner." Questionnée, elle dit qu'elle avait entendu le Prophète (sur lui soit la paix) un jour dire à ses épouses : "كيف بإحداكن تنبح عليها كلاب الحوأب" : "Qu'en sera-t-il de l'une d'entre vous, les chiens de Haw'ab aboyant contre elle ?". Mais az-Zubayr avait insisté pour qu'elle continue (FB 13/69). - La bataille de Siffîn : En Syrie, Mu'âwiya, à la tête d'une province, refuse toujours de reconnaître le califat de Alî et donc de se soumettre à son autorité califale (bagh'y mujarrad). Il ne conteste ni la valeur de Alî, ni la supériorité de celui-ci sur lui-même, ni ne réclame le califat pour lui (MS 2/290, FB 13/107). Il affirme seulement que Alî doit d'abord appliquer le talion aux meurtriers de Uthman (dont lui-même est un parent et à propos de qui il peut donc réclamer aux autorités que le talion soit appliqué à ses meurtriers), et qu'il lui fera allégeance ensuite (FB 12/355). Des gens peu scrupuleux avaient témoigné devant Mu'âwiya, en Syrie, que Alî avait approuvé le meurtre de Uthman et que c'était pour cette raison qu'ils ne leur appliquait pas le talion ; ce témoignage était bien sûr faux, mais il contribua hélas à créer davantage de malentendus quant à la non application du talion, par Alî, aux meurtriers de Uthmân (MS 2/300).
Telle est la cause ayant conduit Mu'âwiya à avoir cet avis. Il est sincère dans son interprétation, mais il fait une erreur d'interprétation (akhta'a fi-j'tihâdih), et c'est Alî qui a raison. La preuve en est que, des années plus tard, lorsque Mu'âwiya sera devenu calife et qu'il se rendra à Médine, il entendra la fille de Uthmân demander qu'on applique enfin le talion aux meurtriers de son père ; Mu'âwiya dira qu'il ne peut pas le faire (MS 2/300).
Pour le moment, cependant, Mu'âwiya, en toute bonne foi, ne comprend pas les raisons de Alî et se méprend sur ses intentions. D'autres personnages, dans le groupe de Mu'âwiya, constatant que le groupe de Alî comporte entre autres les insurgés contre Uthmân et que Alî ne peut pas exercer un plein contrôle sur eux, disent ne pas pouvoir faire allégeance à Alî car ce serait donner aux insurgés la possibilité de faire d'autres ravages (MS 2/290, MF 35/72-73). De son côté, Ali exige la reconnaissance immédiate de son autorité califale. Il pense que le calife a le droit de combattre ceux qui, sous forme de groupe constitué, ne reconnaissent pas son autorité, même s'ils ne le combattent pas (ra'yuhû annahû yushra'u qitâl ul-bughât bi bagh'yin mujarradin, awwalan, idhâ ra'âhu-l-amîr). Al-Hassan, fils de Alî, implore de nouveau son père : "Ne marche pas contre Mu'âwiya" (MS 3/384, Al-Bidâya wa-n-Nihâya cité dans WK p. 50). Mais Alî décide de le faire pour établir l'autorité califale sur l'ensemble des terres musulmanes (FB 6/753).
C'est après avoir appris que Alî marche vers lui pour l'attaquer que Mu'âwiya se met à son tour en marche (MS 2/290). --- Certains Compagnons tels que 'Ammâr ibn Yâssir, Sahl ibn Hunayf, Abû Ayyûb al-Ansârî, al-Hassan ibn 'Alî ainsi que son frère al-Hussein sont dans le groupe de Alî. --- D'autres comme 'Amr ibn ul-'As sont dans celui de Mu'âwiya. --- D'autres encore, tels que Sa'd ibn Abî Waqqâs, Abdullâh ibn Omar, Muhammad ibn Maslama, Ussâma ibn Zayd, Abû Bak'ra, 'Imrân ibn Husayn, pensent que Mu'âwiya se trompe en refusant, même pacifiquement, de reconnaître le califat de Alî, mais aussi que Alî se trompe en marchant contre Mu'âwiya car celui-ci ne le combat pas ; ils pensent donc qu'il faut s'abstenir de prêter main-forte à Alî autant qu'à Mu'âwiya ("kâna-l-qitâlu qitâla fitna") (MS 2/335, MF 4/441-443, 35/77-78, MS 3/329-330). "عن محمد بن سيرين أنه قال: " هاجت الفتنة وأصحاب رسول الله صلى الله عليه وسلم عشرات الألوف فلم يحضرها منهم مائة، بل لم يبلغوا ثلاثين" : Ibn Sîrîn a dit : "La Fitna a fait rage alors que les Compagnons du Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, étaient des dizaines de milliers. Ce ne sont pas 100 qui ont assisté à la (Fitna) : ils n'ont pas atteint le nombre de 30" (Al-Bidâya wa-n-Nihâya). - Les deux groupes se font face à Siffîn en dhu-l-hijja 36. Ils parlementent, essaient de trouver une issue pacifique à la crise. Ils n'y parviennent cependant pas, et en safar 37, c'est le début des combats. Le Prophète avait prédit : "La fin du monde ne viendra pas tant que deux grands groupes ne se combattent, les deux proclamant la même chose…" (al-Bukhârî, voir FB 6/753). Un homme du groupe de Mu'âwiya vient rencontrer 'Amr ibn ul-'As, un Compagnon qui est lui aussi dans le même groupe, et l'informe qu'il a tué Ammâr ibn Yâssir pendant le combat. 'Amr lui répond : "J'avais entendu le Prophète dire : "Le meurtrier de 'Ammâr et celui qui le dépouillera seront dans la géhenne"". On dit alors à 'Amr : "Toi aussi tu l'as combattu" [puisqu'ayant combattu le groupe dans lequel 'Ammâr se trouvait]. 'Amr répond :"Le Prophète n'a parlé que de celui qui le tuerait et le dépouillerait" (rapporté par Ahmad, authentifié dans Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 2008). Aucun Compagnon n'est donc heureux que mort d'hommes il y ait. La bataille tourne à la faveur de Alî. 'Amr ibn ul-'As recommande alors à Mu'âwiya d'appeler à un arbitrage sur la base du Coran pour mettre fin au différend qui existe entre eux.
Alî, confiant dans le fait qu'il est dans son droit, accepte en disant : "J'ai priorité pour cela ! Que le livre de Dieu soit donc entre nous !" (FB 8/748). Mais certains hommes dans le groupe de Alî – il s'agit de ceux qui seront appelés : "les Kharidjites" – s'y opposent.
Sahl ibn Hunayf se lève alors et interpelle ces hommes : il rappelle d'une part que ces batailles entre le calife et d'autres musulmans n'ont, depuis qu'elles ont débuté, rien réglé comme problème ; et il fait d'autre part le parallèle de cette occasion de paix avec celle que, des années plus tôt, le Prophète avait accepté la paix de Hudaybiya : bien qu'ils étaient alors réticents, ils avaient dû reconnaître plus tard que cela avait été le juste choix (FB 8/748).
"فقال: بيننا وبينكم كتاب الله {ألم تر إلى الذين أوتوا نصيبا من الكتاب يدعون إلى كتاب الله، ليحكم بينهم، ثم يتولى فريق منهم، وهم معرضون}، فقال علي: نعم أنا أولى بذلك، بيننا وبينكم كتاب الله، قال: فجاءته الخوارج، ونحن ندعوهم يومئذ القراء، وسيوفهم على عواتقهم، فقالوا: يا أمير المؤمنين، ما ننتظر بهؤلاء القوم الذين على التل ألا نمشي إليهم بسيوفنا، حتى يحكم الله بيننا وبينهم، فتكلم سهل بن حنيف، فقال: يا أيها الناس اتهموا أنفسكم، فلقد رأيتنا يوم الحديبية (يعني الصلح الذي كان بين رسول الله صلى الله عليه وسلم وبين المشركين)، ولو نرى قتالا لقاتلنا؛ فجاء عمر إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال" (Ahmad, 15975 ; FB 13/86, sur 6704). "عن أبي وائل: لما قدم سهل بن حنيف من صفين أتيناه نستخبره، فقال: "اتهموا الرأي، فلقد رأيتني يوم أبي جندل ولو أستطيع أن أرد على رسول الله صلى الله عليه وسلم أمره لرددت، والله ورسوله أعلم. وما وضعنا أسيافنا على عواتقنا لأمر يفظعنا إلا أسهلن بنا إلى أمر نعرفه قبل هذا الأمر، ما نسد منها خصما إلا انفجر علينا خصم ما ندري كيف نأتي له" (al-Bukhârî, 3953 : en fait Abû Wâ'ïl aussi était à Siffîn : 3010, 3011). Ibn Hajar commente ainsi ce propos : "فكأنه قال: اتهموا الرأي إذا خالف السنة، كما وقع لنا حيث أمرنا رسول الله صلى الله عليه وسلم بالتحلل فاحببنا الاستمرار إلى الإحرام وأردنا القتال لنكمل نسكنا ونقهر عدونا؛ وخفي عنا حينئذ ما ظهر للنبي صلى الله عليه وسلم مما حمدت عقباه" (FB tome 13, sur 6878).
Lire également : "Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (II)". - L'arbitrage : Il est prévu que, dans le but que le sang cesse de couler, deux hommes soient désignés comme arbitres, l'un du groupe de Alî et l'autre de celui de Mu'âwiya, et que leur décision fasse autorité. Mu'âwiya présente 'Amr ibn ul-'As. Alî est pour sa part représenté par Abû Mûssa al-Ash'arî (il avait proposé un autre personnage mais il a dû céder devant l'avis de son groupe). L'arbitrage doit se dérouler en ramadan 37 à Dûmat al-jandal, à Adhruh. Ceux qui – dans le groupe de Alî – refusent l'arrêt des combats et cet arbitrage quittent, mécontents, ses rangs ; cela leur vaudra le nom de "kharidjites", "les sortants". Ils étaient déjà opposés à Mu'âwiya et à 'Amr ibn ul-'As ; ils sont maintenant opposés à Alî aussi.
Certes, certains Compagnons tels que Sa'd ibn Abî Waqqâs, Ibn Omar, Muhammad ibn Maslama, etc. pensaient eux aussi – comme nous l'avons déjà dit – qu'il ne fallait se joindre ni aux côtés de Alî ni aux côtés de Mu'âwiya, mais eux se gardaient bien de faire une insurrection armée contre l'un ou l'autre. De plus, si ces Compagnons ne partageaient ni l'avis de Alî ni celui de Mu'âwiya à propos de la conduite à tenir dans la situation présente, ils voyaient bien que chaque partie s'attachait à une interprétation (ijtihâd). Les Kharidjites, eux, considèrent tout le monde égaré et à combattre ; ils vont bientôt créer de graves problèmes.
En ramadan 37, les deux arbitres, Abû Mûssa al-Ash'arî et 'Amr ibn ul-'As, se rencontrent à l'endroit prévu. Al-Mughîra ibn Shu'ba s'y rend lui aussi. Les deux arbitres envoient appeler Abdullâh ibn Omar et Abdullâh ibn uz-Zubayr. D'autres personnalités de Quraysh s'y rendent elles aussi (rapporté par Abd ur-Razzâq dans son Mussannaf, cité dans WK p. 134). Hafsa, veuve du Prophète, vu l'importance de l'événement et la nécessité de rétablir la paix dans la Umma du Prophète, a insisté auprès de son frère Abdullâh ibn Omar pour qu'il assiste à l'arbitrage (FB 7/504). Les deux arbitres pensent nommer un nouveau calife afin que la Communauté musulmane puisse aborder un nouveau tournant.
Abd ur-Razzâq rapporte dans son Mussanaf que 'Amr ibn ul-'As dit à Abû Mûssa al-Ash'arî : "Abû Mûssa, es-tu d'accord pour que nous nommions un homme qui s'occupera des affaires de cette Umma ? Nomme-le. Si je peux te suivre dans ta proposition, tu as la garantie que je le ferai. Sinon, tu auras le devoir de suivre ma proposition." Abû Mûssa lui dit alors : "Je nomme Abdullâh ibn Omar." 'Amr ibn ul-'As n'accepte pas sa proposition et dit : "Je nomme Mu'âwiya fils de Abû Sufyân." Tous deux ont ensuite des mots (WK pp. 134-135, pp. 147-150). Apparemment ce que Abû Mûssa reproche à 'Amr ibn ul-'Âs, c'est d'avoir proposé l'une des deux personnes qui font justement l'objet de la discussion. Voici le texte rapporté par Abd ur-Razzâq :
"فلما حكم الحكمان فاجتمعا بأذرح، وافاهما المغيرة بن شعبة، وأرسل الحكمان إلى عبد الله بن عمر، وإلى عبد الله بن الزبير، ووافى رجالا كثيرا من قريش ووافى معاوية بأهل الشام ووافى أبو موسى الأشعري وعمرو بن العاص - وهما الحكمان - وأبى علي وأهل العراق أن يوافوا. فقال المغيرة بن شعبة لرجال من ذوي رأي أهل قريش: هل ترون أحدا يقدر على أن يستطيع أن يعلم أيجتمع هذان الحكمان أم لا؟ فقالوا له: لا نرى أن أحدا يعلم ذلك. قال: فوالله إني لأظنني سأعلمه منهما حين أخلو بهما فأراجعهما. فدخل على عمرو بن العاص فبدأ به فقال: يا أبا عبد الله، أخبرني عما أسألك عنه؛ كيف ترانا معشر المعتزلة؟ فإنا قد شككنا في هذا الأمر الذي قد تبين لكم في هذا القتال، ورأينا نستأني ونتثبت حتى تجتمع الأمة على رجل فندخل في صالح ما دخلت فيه الأمة؟ فقال عمرو: أراكم معشر المعتزلة خلف الأبرار ومعشر الفجار. فانصرف المغيرة ولم يسأله عن غير ذلك، حتى دخل على أبي موسى الأشعري، فخلا به فقال له نحوا مما قال لعمرو، فقال أبو موسى: أراكم أثبت الناس رأيا، وأرى فيكم بقية المسلمين. فانصرف فلم يسأله عن غير ذلك قال: فلقي أصحابه الذين قال لهم ما قال من ذوي رأي قريش قال: أقسم لكم لا يجتمع هذان على رجل واحد، وليدعون كل واحد منهما إلى رأيه. فلما اجتمع الحكمان، وتكلما خاليين، فقال عمرو: يا أبا موسى، أرأيت أول ما نقضي به في الحق؟ علينا أن نقضي لأهل الوفاء بالوفاء، ولأهل الغدر بالغدر. فقال أبو موسى: وما ذلك؟ قال: ألست تعلم أن معاوية وأهل الشام قد وافوا للموعد الذي وعدناهم إياه؟ فقال: فاكتبها. فكتبها أبو موسى. فقال عمرو: قد أخلصت أنا وأنت أن نسمي رجلا يلي أمر هذه الأمة، فسم يا أبا موسى، فإني أقدر على أن أبايعك منك على أن تبايعني. فقال أبو موسى: أسمي عبد الله بن عمر بن الخطاب - وكان عبد الله بن عمر فيمن اعتزل. فقال عمرو: فأنا أسمي لك معاوية بن أبي سفيان. فلم يبرحا من مجلسهما ذلك حتى اختلفا واستبا. ثم خرجا إلى الناس. ثم قال أبو موسى: يا أيها الناس، إني قد وجدت مثل عمرو بن العاص مثل الذي قال الله تبارك وتعالى {واتل عليهم نبأ الذي آتيناه آياتنا فانسلخ منها} حتى بلغ {لعلهم يتفكرون}. وقال عمرو بن العاص: يا أيها الناس، إني وجدت مثل أبي موسى مثل الذي قال الله تبارك وتعالى {مثل الذين حملوا التوراة ثم لم يحملوها كمثل الحمار يحمل أسفارا} حتى بلغ {الظالمين}. ثم كتب كل واحد منهما بالمثل الذي ضرب لصاحبه إلى الأمصار. قال الزهري: عن سالم، عن ابن عمر قال معمر: وأخبرني ابن طاوس، عن عكرمة بن خالد، عن ابن عمر قال: فقام معاوية عشية، فأثنى على الله بما هو أهله ثم قال: أما بعد، فمن كان متكلما في هذا الأمر، فليطلع لي قرنه، فوالله لا يطلع فيه أحد إلا كنت أحق به منه ومن أبيه - قال: يعرض بعبد الله بن عمر. قال عبد الله بن عمر: "فأطلقت حبوتي فأردت أن أقوم إليه فأقول: يتكلم فيه رجال قاتلوك وأباك على الإسلام، ثم خشيت أن أقول كلمة تفرق بين الجمع، وتسفك فيه الدماء، وأحمل فيه على غير رأي، فكان ما وعد الله تبارك وتعالى في الجنان أحب إلي من ذلك".
Cette dernière partie, avec Mu'âwiya se présentant comme méritant le califat et Abdullâh ibn Omar pensant lui répondre puis préférant garder le silence, a également été rapportée par al-Bukhârî (n° 3882). (L'autre récit, celui rapporté par at-Tabarî et qui est le plus souvent relaté à ce sujet et qui montre une tromperie de la part de 'Amr ibn ul-'As lors du déroulement de l'arbitrage, est complètement erroné (WK pp. 147-150).) L'arbitrage ne donne pas de résultats concrets (FB 12/356). Mu'âwiya annonce maintenant qu'il est calife, se fondant sur l'échange qui a été fait au cours de l'arbitrage à Dumat ul-jandal (MS 2/290 3/328). [....] | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: SUITE ARTICLE 2 Mar 6 Sep - 19:13 | |
| Le malentendu entre 'Alî et Mu'âwiya (que Dieu les agrée) (SUITE)Les Kharidjites : Pour l'instant, retourné à Kufa, Alî doit faire face à l'insubordination des kharidjites. Ce sont des hommes puritains, extrêmement littéralistes et violents. An-Nassâ'ï rapporte qu'ils reprochent trois choses à Alî : – d'avoir accepté l'arbitrage de deux humains alors que seul Dieu est arbitre et peut trancher ; – de n'avoir pas autorisé les combattants à prendre du butin après le combat contre les musulmans entrés en rébellion [après la bataille du Chameau et lors des combats de Siffîn] ; – enfin d'avoir accepté, lors de la rédaction du traité acceptant l'arbitrage, d'effacer – comme le lui demandaient les gens de Syrie – le titre de "Chef des croyants" de devant son prénom, ce qui voudrait dire qu'il reconnaît ne pas être le calife des musulmans (cité en note de bas de page surAl-Hidâya 1/588 ; certains de ces éléments sont aussi relatés dans FB 12/370). Ibn Hajar relate comment Alî fait tous les efforts possibles pour montrer aux kharijites qu'ils se trompent, qu'ils reprennent une parole de vérité ("Lâ hukma illâ lillâh" : "L'arbitrage ne revient qu'à Dieu") mais la comprennent de façon simplificatrice, et l'appliquent donc de façon entièrement erronée ("kalimatu haqq urîda bihâ bâtil" : Muslim 1066).
Alî dépêche auprès d'eux Ibn Abbâs ; celui-ci leur parle et certains reviennent, pendant que d'autres persistent dans leur déviance. Alî leur dit alors : "Nous vous garantissons malgré tout trois droits : nous ne vous empêcherons pas de venir dans les mosquées, nous ne vous priverons pas de votre part dans la redistribution du fay', et nous ne vous combattrons pas tant que vous-mêmes ne créerez pas l'oppression (fassâd)." Les kharidjites se réunissent ensuite à Ctésiphon. Alî ne cesse de correspondre avec eux pour leur demander de revenir. Ils refusent et lui demandent de reconnaître d'abord qu'il a, lui, apostasié, et donc de se repentir. Alî continue sa correspondance, mais cette fois ils sont à deux doigts d'assassiner son émissaire. Puis ils prennent comme résolution que tout musulman n'appartenant pas à leur groupe pourra être tué et volé. Et ils se mettent effectivement à tuer ceux qui passent près du lieu où ils se sont établis. C'est seulement alors que Alî part les combattre. Il les écrase à Nehrawân, en l'an 38 (FB 12/355-356, 12/369-372, MS 3/329). Le Prophète avait annoncé leur venue ; les paroles dans lesquelles il avait dit qu'ils seraient tués sont à comprendre, écrit Ibn Hajar, dans le sens où ils seraient tués parce qu'ayant d'abord tué des musulmans (FB 8/87). - Face à Mu'âwiya : Alî fera également, après les temps de l'arbitrage, des préparatifs pour aller de nouveau combattre Mu'âwiya, mais il ne pourra plus y aller (FB 13/79). Ses gens ne le suivront pas. - Le martyre : Alî exprimera des regrets quant au fait qu'il ait pris l'initiative de combattre Mu'âwiya ; il regrettera n'avoir pas écouté son fils al-Hassan et fera les éloges de Abdullâh ibn Omar et de Sa'd ibn Abî Waqqâs, qui n'avaient participé à aucune bataille. Il dira même : "Ne détestez pas l'existence de l'émirat de Mu'âwiya ; car s'il venait à disparaître, des têtes pourraient voler de sur leurs épaules" (MS 3/283). Si les Kharidjites ont été décimés à Nehrawân, un petit nombre d'entre eux en ont réchappé. Ils rassemblent bientôt quelques partisans. Au mois de ramadan de l'an 40, Alî est l'objet d'une embuscade tenue par l'un d'entre eux et est mortellement blessé (voir FB 12/356-357). - Que penser de ces batailles du Chameau et de Siffîn ? Les deux batailles du Chameau et de Siffîn n'ont été menées par ces Compagnons ni à cause d'une faiblesse de leur foi (wa-l-'iyâdhu bil-llâh) ni à cause d'une recherche du pouvoir, mais à cause d'interprétations différentes (ijtihâd) de certains textes et de ce que le contexte rendait nécessaire ; ces Compagnons ont été de toute bonne foi ; nous les aimons tous et ne dénigrons aucun d'entre eux. La question qui se pose est la suivante : Dans les faits : – s'est-il agi de batailles du détenteur de l'autorité contre des gens entrés en rébellion contre lui (qitâl ul-bughât), ce qui tomberait sous le coup du verset disant : "Fa in baghat ihdâhumâ 'ala-l-ukhrâ, fa qâtilu-llatî tabghî hattâ tafî'a ilâ amr-illâh" (Coran 49/9) ; – ou bien s'est-il agi de batailles de discorde (qitâlu fitna), ce qui tomberait sous le coup des Hadîths demandant qu'on s'en éloigne autant que possible : "Al-qâ'idu fihâ khayrun min al-qâ'ïm..." (al-Bukhârî, voir FB 13/39) ? Ibn Taymiyya écrit : "Les batailles du Chameau et de Siffîn font l'objet d'une divergence : – relèvent-elles du combat contre ceux qui sont en rébellion et qui est prescrit par le Coran ; – ou bien du combat de fitna [discorde, épreuve] où [, selon les Hadîths,] celui qui reste à l'écart agit mieux que celui qui y participe ?" (MS 2/335.) En fait 2 points font l'unanimité : – A) Ali était devenu le calife ("Al-khilâfa thalâthûna sana"). – B) Mu'âwiya pensait – en toute bonne foi – qu'il avait le droit d'exiger que le talion soit d'abord appliqué aux meurtriers de Uthmân avant de reconnaître le califat de Alî ; 'Amr ibn ul-'As, un autre Compagnon, était du même avis que lui. Tous deux étaient donc sincères (ils croyaient véritablement que 'Alî refusait délibérément de venger Uthmân) mais ils faisaient une erreur d'interprétation (khata' ijtihâdî), car Alî ne pouvait réellement pas appliquer le talion dans l'état des choses. Ils étaient donc bâghî non-combattants ("Wayh 'Ammâr, taqtuluhu-l-fi'at ul-bâghiya") (MRH, pp. 30-31). Et un point fait l'objet d'avis divergents : – C) Alî devait-il, pouvait-il, combattre ou non le groupe de Mu'âwiya pour le soumettre à l'autorité califale ? Les autres Compagnons devaient-ils, puisqu'il était le calife et demandait qu'on l'assiste dans ces combats, suivre sa demande et se joindre à lui pour combattre le groupe de Mu'âwiya ? – Certains Compagnons étaient du même avis que Alî : combattre ceux qui refusent de reconnaître l'autorité califale est autorisé, même s'ils ne la combattent pas et ne causent pas de tort à la population. (Cet avis fut ensuite repris par des shafi'ites, des hanafites et des hanbalites : MF 4/450, 438, 441, MS 2/334.) A l'intérieur de ce groupe de Compagnons, deux tendances apparaissaient : --- Ammâr ibn Yâssir, Sahl ibn Hunayf et Abû Ayyûb al-Ansârî pensaient que non seulement combattre les gens de ce type est permis, mais c'était la solution pour mettre fin au problème que traversaient alors les musulmans ; et c'est d'autant plus ce qu'il fallait faire que le calife avait appelé à le faire ; --- al-Hassan, le propre fils de Alî, pensait pour sa part que si combattre ce genre de personnes est en soi légal (mashrû'), la situation d'alors ne permettait pas qu'on l'entreprenne ; le calife ayant cependant donné l'ordre de faire quelque chose étant en soi autorisé, il fallait obéir. – Et puis d'autres Compagnons (comme Sa'd ibn Abî Waqqâs, Abdullâh ibn Omar, Muhammad ibn Maslama, Abû Bakra, Abû Mas'ûd, Ussâma ibn Zayd, Abû Bak'ra, 'Imrân ibn ul-Hussayn) pensaient que Alî faisait une erreur d'interprétation (khata' ijtihâdî) en marchant sur le groupe de Mu'âwiya pour l'attaquer, ce qui faisait du combat un combat de fitna (qitâlu fitna), auquel il est interdit de participer. Obéir au calife ne pouvant pas se faire à propos de ce qui est clairement interdit, ils ne devaient donc pas s'engager aux côtés du calife (MF 4/442-443).
Ces Compagnons pensaient donc que la bataille entre Alî et Mu'âwiya était celle dont le Prophète avait parlé en disant : "Viendra une fitna ; celui qui sera alors assis agira mieux que celui qui sera debout ; celui qui sera debout agira mieux que celui qui marchera ; celui qui marchera agira mieux que celui qui courra" (at-Tirmidhî 2194, etc.). Ibn Taymiyya écrit que, Alî excepté, les plus grands des Compagnons alors encore vivants furent de cet avis : il ne fallait combattre ni dans un camp ni dans l'autre. Ibn Taymiyya cite le nom de Sa'd ibn Abî Waqqâs, le Compagnon alors vivant qui, juste après 'Alî, avait le plus de valeur (MF 35/77). Ibn Taymiyya écrit que Abû Hanîfa, Mâlik, Ahmad ibn Hanbal, ath-Thawri, al-Awzâ'ï dirent eux aussi qu'il s'agissait d'un combat de discorde ("qitâlu fitna") (MS 4/317, 2/293). Et c'est cet avis, poursuit Ibn Taymiyya, qui est juste, car le Prophète avait dit à Muhammad ibn Maslama, celui-là même qui ne s'était joint ni au camp de Mu'âwiya ni au camp de 'Alî : "La "fitna" ne te fera pas de tort" (Abû Dâoûd 4663) (MS 1/208). De plus, le Prophète avait fait les éloges de son petit-fils al-Hassan ibn 'Alî, disant que par son intermédiaire, Dieu amènerait la réconciliation entre deux groupes de musulmans (al-Bukhârî 2704, 3629, 3746, 7109). Après la mort de Alî, Al-Hassan fit en effet la paix avec Mu'âwiya. Si le combat mené contre Mu'âwiya était une chose qu'il était nécessaire, ou recommandé de faire, pourquoi le Prophète aurait-il fait les éloges de celui qui y mettrait fin (MS 2/348) ? Alî avait donc raison sur le fond et en premier lieu dans le désaccord qui l'opposait à Mu'âwiya et que ce dernier faisait une erreur d'interprétation (khata ijtihâdî). Le prouve d'ailleurs le Hadîth suivant : "قال أبو سعيد : كنا ننقل لبن المسجد لبنة لبنة، وكان عمار ينقل لبنتين لبنتين، فمر به النبي صلى الله عليه وسلم، ومسح عن رأسه الغبار، وقال: "ويح عمار تقتله الفئة الباغية، عمار يدعوهم إلى الله، ويدعونه إلى النار" : "Pauvre 'Ammâr : le groupe insurgé le tuera" (al-Bukhârî, 2657, Muslim, 2916).
Cependant, Alî fit ensuite une erreur d'interprétation (khata ijtihâdî) en marchant contre Mu'âwiya, chose qui entraîna la bataille de Siffîn (MF 4/441-442). Et c'est pourquoi quand, durant son vivant, le Prophète avait fait allusion au combat qui opposerait deux groupes de sa Communauté – celui de Alî et celui de Mu'âwiya – et à l'apparition des Kharidjites, il avait dit que combattrait les Kharijites "celui des deux groupes qui serait le plus proche de la vérité" ("أدنى الطائفتين إلى الحق" / "أولى الطائفتين بالحق" / "أقرب الطائفتين من الحق") (Muslim 1064, Ahmad 10767). Ce fut Alî qui combattit les Kharidjites, comme nous l'avons vu. Cependant, si ce Hadîth montre d'une part que ce fut Mu'âwiya qui fit la première erreur d'interprétation, il montre aussi d'autre part que Alî ne fut, parmi eux deux, que "le plus proche du vrai, parmi les deux groupes" et non pas : "celui qui avait entièrement raison dans son interprétation" : une part d'erreur dans l'interprétation lui échoua aussi (d'après MF 4/468). ("Alî ghallaba-r-rahba wa ta'awwala fi-d-dimâ'" : MF 35/23.) Dans quelle mesure la marche de 'Alî contre Mu'âwiya constitua-t-elle une erreur d'interprétation ? – Soit parce que le qitâl ul-bughât bi bagh'yin mujarrad est en soi légal (mashrû'), mais conditionné à la capacité (qud'ra). Or, dans le cas de 'Alî, la situation (wâqi') était telle que combattre les gens de Siffîn créerait un problème plus grand que celui que l'on voulait résoudre, et que, dans le cas de Alî, il fallait impérativement s'en abstenir, puisque le mal que cela allait engendrer se révélerait plus grand que celui qu'il voulait résoudre (MF 4/443). Et c'est effectivement ce qui s'est passé, 'Alî regrettant à la fin de n'avoir pas écouté son fils al-Hassan. Ibn Taymiyya écrit : "S'il [= 'Alî] ne les avait pas combattus, il ne serait pas arrivé davantage que ce qui était déjà arrivé : ils ne reconnaissaient pas son autorité. Mais par le combat le problème a augmenté" (MF 4/441). – Soit parce que le qitâl ul-bughât bi bagh'yin mujarrad est en soi interdit, et 'Alî fit une erreur d'interprétation en pensant qu'elle est légale. Or il n'y a pas d'obéissance au émir dans ce qu'il entreprend qui est clairement interdit, même si d'après l'ijtihad de cet émir cela est permis.
Reste alors le verset 49/9, qui dit : "fa qâtilu-l-latî tabghî hattâ tafî'a ilâ amr-illâh"... La non-reconnaissance de l'autorité califale est appelée "bagh'y", et ce verset 49/9 parle aussi du "bagh'y", suite à quoi il dit de combattre celui des deux groupes qui fait le "bagh'y" vis-à-vis de l'autre. Certains ulémas ont donc appliqué ce que ce verset 49/9 dit – combattre le groupe – au cas de bagh'y par simple non-reconnaissance de l'autorité légitime. Mais Ibn Taymiyya est d'avis que le verset parle de ce qu'il faut faire lorsque deux groupes d'entre les musulmans se battent : on doit alors les réconcilier ; puis [al-fâ' li-t-ta'qîb], après la tentative de réconciliation, si l'un de ces deux groupes commet l'injustice – c'est le sens de "bagh'y" dans le verset – vis-à-vis de l'autre, on doit combattre ce groupe jusqu'à ce qu'il revienne à ce que Dieu veut ; puis on doit réconcilier les deux groupes. Le verset parle donc de deux groupes qui se battaient, entre qui on fait une tentative de réconciliation, et dont, finalement, l'un d'eux a commis l'agression envers l'autre : c'est dans ce cas seulement qu'il demande de combattre le bâghî (cf. MS 2/304, 2/335, 2/321, 2/293). Or ce n'était pas le cas de 'Alî face à Mû'âwiya. On note d'ailleurs que, questionné au sujet de la marche qu'il a entreprise vers les insurgés, Alî ne dit pas que cela tombait sous le coup de ce verset du Coran, mais qu'il agissait selon son avis personnel (Abû Dâoûd, 4666, déjà cité plus haut). Quant au fait que Abû Bakr avait combattu les gens refusant de donner la zakât, il s'agissait en fait de ceux qui refusaient de donner la zakât même, et non pas de ceux qui s'acquittaient de la zakât mais refusaient seulement de la remettre au calife ; parce que si c'était d'eux dont il s'était agi, alors Abû Bakr ne les aurait pas combattus car, comme l'ont dit Abû Hanîfa et Ahmad ibn Hanbal, le calife n'est pas en droit de combattre des gens qui refusent seulement son autorité (MS 2/293, 2/332, 2/334). Après l'arbitrage de l'an 37, Mu'âwiya se proclame calife, nous l'avons vu. Il fait cela en toute bonne foi, puisque l'un des deux arbitres a présenté son nom comme calife lors de l'arbitrage. Bien qu'il le fasse en toute bonne foi, cela constitue une erreur d'interprétation (khata' ijtihâdî) de sa part, car il n'y a pas eu accord des deux arbitres sur le sujet. Cependant, malgré sa bonne foi et le fait qu'une erreur d'interprétation n'est pas un péché, il tombe alors, dit Ibn Taymiyya, sous le coup du bagh'y qui doit être combattu : "(Ce groupe) devint bâghî [du type devant être combattu] à ce moment, par le biais de ce qui apparut d'eux : établissement d'un émir désigné comme "Dirigeant des croyants", malédiction proférée contre l'émir légitime, etc. Ceci constitue du bagh'y [du type devant être combattu] ; a contrario du combat ayant eu lieu avant cela : cela était du qitâlu fitna. (…)" (MF 4/443-444). Ibn Taymiyya est d'avis que, après l'arbitrage de l'an 37, il était du devoir de 'Alî de faire son possible pour combattre le groupe de Mu'âwiya. Ce qu'il a écrit ("établissement d'un émir désigné comme "Dirigeant des croyants"") semble montrer qu'il pense que Mu'âwiya est alors tombé sous le coup du Hadîth qui demande de s'en prendre à la personne qui se proclame calife alors qu'un calife existe déjà (Muslim 1844, 1853) [an-Nawawî écrit qu'il s'agit d'avoir recours, au préalable, à toute autre possibilité permettant de déposer cette personne sans la tuer : Shar'h Muslim 12/234, 242].
Ibn Taymiyya n'est par contre pas d'avis que, même alors, Mu'âwiya soit tombé sous le coup du verset 49/9, car, dit-il, personne n'a procédé à la réconciliation entre les deux groupes (MS 2/335), de sorte que l'on puisse dire qu'il y avait deux groupes qui se battaient, et on a fait une tentative de réconciliation entre eux, mais ensuite l'un des deux a ensuite commis l'injustice vis-à-vis de l'autre ; l'injustice, ici – fût-elle exempte de péché, puisqu'elle est faite suite à une khata' ijtihâdî –, consistait en le fait de se proclamer calife. Ibn Taymiyya dit qu'il n'y a pas eu de tentative de réconciliation entre le groupe de 'Alî et celui de Mu'âwiya. Peut-être qu'il serait possible qu'un autre 'âlim ait un autre avis, disant que l'arbitrage de l'an 37 a bel et bien constitué une telle tentative ? Je ne sais pas (لا أدري).
En tout état de cause, Ibn Taymiyya écrit à propos de la situation d'après l'arbitrage : "A ce moment-là, lorsque se produisit le bagh'y [du type devant être combattu], combattre aux côtés de Alî devint obligatoire. (…) Et à ce moment-là, après l'arbitrage, la séparation et l'apparition du bagh'y [du type de celui dont le verset parle], Alî ne les combattit pas, le groupe qui était avec lui ne lui obéissant plus à propos du combat" (MF 4/443-444). - Alî vu par les Sunnites, les Chiites et les Kharidjites : "قال عليّ: والذي فلق الحبة وبرأ النسمة، إنه لعهد النبي الأمي صلى الله عليه وسلم إليّ: أن لا يحبني إلا مؤمن، ولا يبغضني إلا منافق" Le Prophète a dit à Alî que ne l'aimera que celui qui est croyant, et ne le détestera que celui qui est hypocrite (Muslim 78). Ceux de l'orthodoxie Sunnite l'aiment donc comme un des plus valeureux Compagnons du Prophète. Mais ils ne le considèrent pas supérieur à Abû Bakr, Omar ni même à Uthmân. Certes, il est quelques ulémas sunnites qui pensaient que Alî est supérieur à Uthmân (MF 4/426), mais Ahmad ibn Hanbal a rappelé à ce sujet que lors du choix de Uthmân comme dirigeant, l'ensemble des Emigrants et Auxiliaires avaient donné préférence à Uthmân, comme Ibn 'Awf l'avait relaté d'eux après les avoir consulté pendant trois jours. Il serait donc surprenant, dit en substance Ahmad, que l'on puisse garder à ce sujet un avis qui se trouve être différent de celui de ce grand nombre d'illustres Compagnons (MF 4/426). Par contre, les Nâssibites, eux, dénigrent Alî. Les Kharidjites font de même. A l'opposé, les Chiites imamites croient que Alî est supérieur à Abû Bakr et à Omar (n'en parlons plus de Uthmân). Ils le croient même infaillible au même titre que le Prophète (donc ne pouvant faire une erreur d'interprétation). La position des Nassibites et Kharidjites et celle des Chiites imamites constituent deux déviances qui constituent des extrêmes. "عن علي، رضي الله عنه، قال: قال لي النبي صلى الله عليه وسلم: "فيك مثل من عيسى: أبغضته اليهود حتى بهتوا أمه، وأحبته النصارى حتى أنزلوه بالمنزلة التي ليس به". ثم قال: "يهلك فيّ رجلان محب مفرط يقرظني بما ليس في، ومبغض يحمله شنآني على أن يبهتني" "عن علي بن أبي طالب، رضي الله عنه، قال: دعاني رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "إن فيك من عيسى مثلا: أبغضته يهود حتى بهتوا أمه، وأحبته النصارى حتى أنزلوه بالمنزل الذي ليس به". "ألا وإنه يهلك فيّ اثنان، محب يقرظني بما ليس في، ومبغض يحمله شنآني على أن يبهتني. ألا إني لست بنبي ولا يوحى إلي، ولكني أعمل بكتاب الله وسنة نبيه صلى الله عليه وسلم ما استطعت؛ فما أمرتكم من طاعة الله فحق عليكم طاعتي فيما أحببتم وكرهتم"
Dans ces deux relations (rapportées par Ahmad, 1376-1377, mais dha'îf), il est attribué au Prophète qu'il aurait dit à 'Alî qu'il y aurait à son sujet des positions que l'on peut comparer à celles concernant Jésus fils de Marie ; en effet, les uns ont détesté celui-ci au point de le traiter de magicien et de calomnier sa mère ; les autres l'ont aimé au point de l'élever au statut de Dieu fait chair. D'après ces relations, Alî aurait dit ensuite : "Je ne suis pas un prophète et ne reçois pas la révélation. Je ne fais que mettre en pratique le Coran et la Sunna autant que je peux. Ce que je vous ordonne ainsi d'obéissance à Dieu, il est de votre devoir de me suivre, que vous l'aimiez ou pas" (voir également MS 3/341). An-Nu'mânî a fait de ce Hadîth un commentaire intéressant (cf. Irânî inqilâb, pp. 94-112). Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: ARTICLE 3 Mar 6 Sep - 19:21 | |
| Le califat de Mu'âwiya (que Dieu l'agrée)Al-Hassan ibn Alî (que Dieu l'agrée) : Après le martyre de Alî (en l'an 40), alors qu'il y a toujours une sorte de face à face entre les gens de Syrie et ceux du Hedjaz, Mu'âwiya envoie deux personnes parlementer avec al-Hassan fils de Alî, à qui les gens du Hedjaz ont fait allégeance. Al-Hassan se désiste alors au profit de Mu'âwiya ; il lui fait allégeance. Mu'âwiya se rend à Kufa, dont les habitants lui font aussi allégeance. De même, lui font allégeance les Compagnons qui n'avaient pas participé aux batailles entre lui et Alî. Puis al-Hassan rentre à Médine, et Mu'âwiya à Damas. L'année sera connue sous le nom de "l'année du regroupement" ("'âm ul-jamâ'ah") (FB 13/79-80).
Al-Hassan évoque ce que Abû Bak'ra lui a rapporté : un jour que le Prophète faisait un sermon, al-Hassan, encore enfant, était apparu. Le Prophète avait alors dit de son petit-fils : "Mon fils que voici est un chef. Et peut-être que Dieu réconciliera par son intermédiaire deux groupes de musulmans" (al-Bukhârî 2704, 3629, 3746, 7109, at-Tirmidhî 3775, Abû Dâoûd 4662, FB 13/77). - Mu'âwiya (que Dieu l'agrée) : Mu'âwiya a été calife. Certes, le Hadîth relaté par Safîna dit : "Le califat durera 30 ans, puis viendra la royauté" (at-Tirmidhî 2226, Abû Dâoûd 4646). A le considérer de façon littérale, on pourrait croire qu'après Alî ou al-Hassan ibn Alî, il n'y a plus eu du tout de califat (puisqu'au moment où Alî meurt ou bien où al-Hassan se désiste en faveur de Mu'awiya, il y a justement trente ans que le Prophète est mort). Mais la vérité est, comme Ibn Taymiyya l'a écrit, que dans ce Hadîth le terme "califat" désigne seulement le "califat sur le modèle du prophétat" ; en effet, car le Prophète lui-même a dit qu'il arriverait un temps où il y aurait plusieurs califes (rapporté par al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâoûd) ; or qu'il y ait des califes rivaux ne relève assurément pas du califat des trente premières années ; et pourtant le Hadîth parle malgré tout de "califes" ; le Hadîth relaté par Safîna signifie donc seulement que le califat de ces trente premières années serait sur le modèle du prophétat et que le califat qui apparaîtrait ensuite aurait une teinte de royauté (MF 35/20, 35/25-27, voir aussi FB tome 13). - Que signifie la formule : "califat teinté de royauté" ? Ces termes ne désignent pas la succession dynastique, car Mu'âwîya n'a pas désigné Yazîd parce que c'était son fils mais parce qu'il pensait qu'il était l'homme le plus apte pour la situation (nous y reviendrons plus bas). De plus, c'est seulement après quinze années de califat que Mu'âwiya désigna Yazîd ; or tout le califat de Mu'âwiya est considéré comme "teinté de royauté". En fait le "califat sur le modèle de la royauté" désigne seulement le cas de figure où le calife a, dans sa vie publique, le faste des rois (MF 35/34). Et ce fut le cas de Mu'âwiya (HB 2/581). Ibn Taymiyya écrit que dans le Califat sur le modèle du Prophète, le calife et les gouverneurs habitent des maisons comme tout le monde, de même qu'ils font leurs cinq prières côte à côte avec tout le monde dans la mosquée. Le Califat sur le modèle des rois est différent : "Mu'âwiya se dissimula des gens car il craignait d'être assassiné comme Alî le fut ; il plaça des maqsûra [sortes de petites guérites] dans les mosquées pour que le dirigeant et ses accompagnateurs y fassent leurs prières. Il eut recours aux convois ("markab") [pour se déplacer]. Les autres califes-rois suivirent ses pas. A côté du fait qu'ils continuèrent à diriger les batailles et les prières, à participer aux prières du vendredi, à la prière en congrégation, à la lutte et à l'application des peines, ils se firent aussi construire des palais dans lesquels ils habitaient et recevaient les grands personnages" (MF 35/40). Ce sont là quelques expressions de ce faste royal qui caractérise le "califat teinté de royauté". David et Salomon (que la paix soit sur eux) furent des prophètes-rois. Le Prophète a dit : "On m'a donné le choix entre être prophète-roi et être prophète-messager. J'ai choisi d'être prophète-messager" (cité par Ibn Taymiyya dans Majmû' ul-fatâwâ 35/22 ; at-Tabarânî). "Un ange est venu à moi (...) et a dit : "Ton seigneur te salue et dit : "Si tu le veux, (tu seras) un prophète-esclave, et si tu le veux, (tu seras) un prophète-roi". J'ai alors regardé Gabriel. Il m'a fait signe de m'humilier" / "J'ai alors dit : "Un prophète-esclave."" Aïcha dit : "Le Messager de Dieu, après cela, ne mangeait plus en étant appuyé ; il disait : "Je mange comme mange l'esclave, et je m'assieds comme s'asseoit l'esclave"" (al-Baghawî : cf. Mishkât ul-massâbîh, n° 5835-5836).
Ibn Taymiyya relate qu'il y a ici deux avis chez les ulémas : - a) soit il est préférable que le califat soit sur le modèle de la prophétie mais le fait qu'il soit teinté de royauté ne constitue pas un acte strictement interdit ; les ulémas qui sont de cet avis lisent le hadîth ci-dessus comme étant un choix, une préférence, l'autre possibilité n'étant pas interdite. Ces ulémas se fondent aussi sur le fait que pendant son califat Omar avait nommé Mu'âwiya gouverneur de Syrie, et, ayant vu le faste dans lequel il vivait, il lui avait dit : "Je ne te dis pas de faire cela et ne te l'interdis pas non plus" (MF 35/24). Voyez : Omar ne le lui a pas strictement interdit ; - b) soit il est obligatoire que le califat soit sur le modèle du prophétat, et si Mu'âwiya eut recours au califat teinté de royauté c'est parce qu'il y avait nécessité par rapport à la situation dans laquelle il vivait (hâja, naqs ul-qud'ra) (MF 35/22-26). Ibn Taymiyya est de ce second avis. Il explique que si Omar a dit ce qu'il a dit à Mu'âwiya, c'est parce que ce dernier lui avait expliqué que c'était la situation dans laquelle il se trouvait en Syrie qui l'avait poussé à adopter ce choix. Ce fut donc un effort d'interprétation (ijtihâd) de sa part, et c'est pourquoi Omar ne lui dit rien. Cependant, Omar ne partagea pas non plus cette interprétation (MF 35/24). Si Omar l'a laissé avec son interprétation, cela n'implique donc pas qu'il ait pensé qu'elle était correcte. Quel que soit celui de ces deux avis auquel on adhère, Mu'âwîya n'est en rien à blâmer puisqu'il a fait soit quelque chose qui est en soi permis, soit quelque chose qui est en soi à éviter mais qu'il n'a pas pu éviter à cause de la situation dans laquelle il se trouvait. D'autre part, certes le Prophète a dit qu'après lui "le commandement deviendra un califat et une miséricorde, puis une royauté mordante ; puis cela laissera la place à une dictature, une arrogance et un mal sur terre : ils déclareront permis la soie, les relations intimes hors mariage et l'alcool, recevront leur subsistance ainsi et auront le dessus jusqu'à leur mort" (Mishkât n° 5375-5376). Certes le Prophète a dit aussi :"(Après mon temps) il y aura un califat sur le modèle du prophétat le temps que Dieu le voudrait, puis Dieu le fera disparaître ; puis il y aura une royauté mordante le temps que Dieu le voudra, puis Dieu la fera disparaître ; puis il y aura une royauté dictatoriale le temps que Dieu le voudra, puis Dieu la fera disparaître ; puis il y aura un califat sur le modèle du prophétat" (Mishkât n° 5378).
Mais cela ne veut pas dire que "le califat sur le modèle du prophétat" a immédiatement laissé la place à "la royauté mordante". En effet, Ibn Taymiyya relate un troisième Hadîth où on lit que le Prophète a dit qu'il y aurait, après lui, d'abord "un califat et une miséricorde, puis une royauté et une miséricorde, puis une royauté dictatoriale, puis une royauté mordante" (je n'ai pas pu trouver ce Hadîth tel qu'il est relaté par Ibn Taymiyya, mais un Hadîth voisin a été rapporté par ad-Dârimî, n° 2101). Si Mu'âwiya a établi un califat teinté de royauté, ce fut donc une royauté et une miséricorde, car il était juste (voir MF 4/478, 18/13). Ce fut bien plus tard que le califat devint une royauté mordante. Ce fut encore plus tard que cela laissa la place à une royauté dictatoriale, arrogante, répandant le mal et déclarant permis ce qui est strictement interdit (les pays musulmans se trouvent toujours dans cette situation aujourd'hui). Mu'âwiya est un illustre Compagnon du Prophète. Le Prophète l'avait utilisé comme scribe de la révélation (MF 35/64, note de bas de page sur AMQ p. 211). Il avait prié Dieu en sa faveur en ces termes : "O Dieu, enseigne à Mu'âwiya le Livre et les comptes, et protège-le du châtiment" (Ahmad, n° 16526) (MF 35/63). A quelqu'un qui était venu se plaindre que Mu'âwiya accomplissait la salât ul-witr en une rak'a seulement, le très docte Ibn Abbâs répondit : "Il a fait juste. C'est un savant" ("Assâba, innahû faqîh") (al-Bukhârî, n° 3554). Abu-d-Dardâ' dit :"Je n'ai vu personne d'autre que Mu'âwiya faire une prière qui ressemble autant à celle que le Prophète faisait" (al-Baghawî, cité dans MS 3/292). De plus, le Prophète avait fait les éloges de gens de sa communauté qu'il avait vus en rêve voguer sur les flots, voyageant dans le chemin de Dieu (al-Bukhârî n° 2636, Muslim n° 1912) et il avait dit que les premiers qui feraient ainsi iraient au paradis (al-Bukhârî n° 2766). Comme l'a écrit Ibn Kathîr, le Prophète parlait là de ceux de ses disciples qui, en l'an 27 de l'hégire, devaient partir pour Chypre ; or, ils étaient sous le commandement de Mu'âwiya (note de bas de page sur AMQ p. 215, également FB commentaire de 2766). 'Amr ibn ul-'As fait partie des Muhâjirat ul-fat'h (= Muslimat ul-hudaybiya). Mu'âwiya fait quant à lui partie des Tulaqâ' (= Muslimat ul-fat'h). Ils ont tous deux dépensé de leurs biens et combattu pour l'islam en compagnie du Prophète lors des campagnes de Hunayn et de at-Tâïf en l'an 8 de l'hégire. Si le verset dit que ceux qui ont dépensé de leurs biens et combattu après le tournant de al-Hudaybiya ne sont pas du même niveau que ceux qui l'ont fait après ce tournant, il dit aussi : "Et à tous Dieu a promis le meilleur" (Coran 57/10). De plus, l'autre verset affirme que Dieu a agréé "as-sâbiqûn al-awwalûn min al-muhâjirîn wa-l-ansar" mais aussi "wal-ladhîna-t-taba'ûhum bi ihsân" (Coran 9/100). Comment quelqu'un pourrait-il dire le contraire à propos de ces deux illustres personnages (MF 4/458-459) ? Lorsqu'ils ont refusé de faire allégeance à Alî, soit ils ont fait un effort d'interprétation qui s'est révélé être erroné (khata' fil-ijtihâd) et cela rapporte une récompense si on se trompe ; soit ils ont fait une faute morale (dhanb) mais ils n'en auront pas de punition auprès de Dieu car Dieu leur a promis le meilleur ; de fait, Dieu pardonne les péchés pour de nombreux motifs (MF 4/461). - L'allégeance à Yazîd : En l'an 56, Mu'âwiya, ressentant qu'il vieillit (il a alors plus de 70 ans), désire nommer celui qui lui succèdera comme calife. Son objectif est, eu égard aux événements du passé assez récent, d'éviter aux musulmans une nouvelle division. Il écrit donc au gouverneur de Médine, Marwân ibn ul-Hakam : "J'ai vieilli, mes os ont faibli, et je crains la division dans la communauté après moi. Je pense donc nommer celui qui me succédera. Je ne voudrais pas décider de quelque chose sans consulter ceux qui sont auprès de toi. Présente-leur donc cela et fais-moi savoir ce qu'ils te répondent" (Ibn ul-Athîr, cité dans WK pp. 90-91). Les Médinites trouvent la proposition judicieuse, et Marwân transmet donc leur réponse à Mu'âwiya. Mu'âwîya écrit alors de nouveau à Marwân et propose le nom de Yazîd, son fils, comme futur calife. Certains Compagnons tels que Abd ur-Rahmân ibn Abî Bakr, al-Hussein ibn Alî,Abdullâh ibn uz-Zubayr, Abdullâh ibn Omar, donnent alors un avis défavorable à cette proposition (WK p. 101). Ils refusent de faire allégeance à Yazîd comme futur calife comme Mu'âwiya le leur demande (WK). Ces Compagnons sont donc d'un autre point de vue... Le point de vue de ces Compagnons (Abd ur-Rahmân ibn Abî Bakr, al-Hussein ibn Alî, Abdullâh ibn uz-Zubayr, Abdullâh ibn Omar) n'est pas que Yazîd serait un mauvais musulman (fâssiq) (comme certaines personnes l'ont prétendu plus tard), mais qu'il ne convient pas que celui que le calife actuel désigne comme son futur successeur soit son fils – et ce même si celui-ci possède les capacités voulues – (WK p. 139, p. 137, p. 142). "عن يوسف بن ماهك، قال: كان مروان على الحجاز استعمله معاوية؛ فخطب، فجعل يذكر يزيد بن معاوية لكي يبايع له بعد أبيه. فقال له عبد الرحمن بن أبي بكر شيئا. فقال: خذوه! فدخل بيت عائشة فلم يقدروا. فقال مروان: إن هذا الذي أنزل الله فيه: {والذي قال لوالديه أف لكما أتعدانني}، فقالت عائشة من وراء الحجاب: "ما أنزل الله فينا شيئا من القرآن إلا أن الله أنزل عذري" (al-Bukhârî, 4550). De plus, Abdullâh ibn Omar est d'avis qu'en la présence de Compagnons, ce ne devrait pas être un homme n'étant pas Compagnon qui est proposé au poste califal (WK p. 142). Quant à Mu'âwiya, il est sincère : il ne pense nullement nommer Yazîd parce qu'il est son fils : il pense sincèrement que c'est parce que Yazîd a les capacités voulues pour remplir la fonction de calife. Le prouve l'invocation qu'il fit en public un jour pendant son sermon : "O Dieu, si tu sais que j'ai désigné Yazîd parce qu'il possède à mon avis les capacités pour cela, accomplis ce pour quoi je l'ai désigné. Et si je l'ai désigné simplement parce que je l'aime, alors n'accomplis pas ce pour quoi je l'ai désigné" (Ibn Kathîr, cité dans WK p. 127). Mu'âwiya était sincère, écrit as-Sanbhalî. Cependant, poursuit-il, il est possible d'avoir un avis divergent quant au fait que son choix ait été le meilleur possible (WK pp. 132-133, pp. 136-137). Il y a en effet divergence d'avis entre les ulémas au sujet de savoir si le calife a le droit de nommer son fils comme son successeur après lui (cf. MS 3/273). As-Sanbhalî suit donc tout à fait la voie sunnite : un Compagnon a fait un effort de réflexion (ijtihâd) ; d'autres Compagnons ont fait un effort de réflexion (ijtihâd) différent ; il est possible d'avoir un avis différent de celui du premier Compagnon (takhtia) en se fondant sur celui des autres Compagnons, mais jamais on ne dénigre le premier Compagnon (ta'n). Malgré l'opposition des quatre Compagnons sus-cités, Mu'âwiya invite des délégations représentant les différentes villes de la terre musulmane à venir à Damas témoigner de leur acceptation du futur califat de Yazîd (WK pp. 102-108). Il fait ensuite lui-même le voyage au Hedjaz pour tenter de convaincre les Compagnons qui refusent de reconnaître Yazîd comme futur calife ; il leur parle ; ces personnages persistent cependant dans leur refus (WK pp. 109-124). Le 15 rajab 60, Mu'âwiya décède. Avant de mourir il a laissé ses dernières recommandations à Yazîd ; parmi celles-il il y a le fait de garder à l'esprit le droit de al-Hussein et de reconnaître sa valeur (MS 2/324). Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: ARTICLE 4 Mar 6 Sep - 19:23 | |
| Pourquoi 'Alî (que Dieu l'agrée) avait-il marché contre les gens de Jamal et de Siffîn, mais pas contre les Kharijites, alors que tous deux étaient Bughât ?
Dans 2 autres articles : - Le malentendu entre 'Alî et Mu'âwiya (que Dieu les agrée), - Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (II),
nous avons vu que : -- Alî a marché avec une armée vers les deux groupes des gens de Jamal et de Siffîn qui refusaient de reconnaître son autorité, avec l'éventualité de les combattre s'ils persistaient à refuser de reconnaître son autorité califale ; --- par contre, en ce qui concerne les Kharijites, bien qu'ayant déjà envoyé Ibn Abbâs les raisonner et ayant correspondu avec eux, face à la persistance du groupe dans leur refus de reconnaître son autorité, 'Alî n'a pas engagé le combat tant que eux-mêmes n'ont pas fait couler le sang. La question qui se pose ici est : Pourquoi donc cette différence ? si Alî pensait qu'il est permis à l'autorité de combattre les bughât du moment qu'ils persistent dans leur refus de reconnaître son autorité et si c'est la raison pour laquelle il a combattu Mu'âwiya, pourquoi n'a-t-il pas fait de même avec les Kharijites ? – Les tenants de l'avis A (ceux qui disent que l'autorité doit combattre Kharijites et Mâni'u-u-zakât même s'ils ne combattent pas) répondent que Alî attendit, pour combattre les Kharijites, de vérifier qu'il s'agissait bien du groupe dont le Prophète avait parlé. Or cela ne fut vérifié qu'une fois que les gens de Harûrâ se furent mis à assassiner des innocents (As-Sârim, p. 183). Cette réponse n'est cependant pas satisfaisante, car elle laisse un point en suspens : Il est entièrement vrai que Alî attendit, avant de le combattre, de vérifier que le groupe auquel il avait à faire face et qui étaient désignés à son époque sous le nom de "Harûriyya" était bien celui que le Prophète avait, durant son vivant, évoqué et dont il avait donné la description. Cependant, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi il ne les combattit pas dès qu'il avait constaté qu'ils étaient des bughât, exactement comme il avait marché contre les gens de Siffîn dès qu'il avait constaté qu'ils étaient bughât. S'il avait marché vers ces derniers dès qu'ils étaient devenus bughât, pourquoi ne le fit-il pas par rapport aux Kharijites dès que ces derniers devinrent eux aussi bughât ? Il y a à cette question les 3 propositions d'explications suivantes... Première proposition) Alî pensait que le calife a le devoir de combattre les bughât (gens de Jamal ou de Siffîn comme Kharijites) le premier, mais cela uniquement lorsque (sabab) le fait de les laisser est susceptible d'entraîner une mafsada plus grande que la mafsada de les combattre.
Or, les Kharijites étaient certes des bughât, mais ils restaient malgré tout à portée de main du calife, et ne pas les combattre tant qu'ils ne le faisaient pas eux-mêmes ne recelait pas de mafsada. Par contre, quand les gens de Siffîn avaient persisté dans leur refus de reconnaître son autorité, Alî y avait vu une menace pour l'unité de la Dâr ul-islâm, car il y avait le risque qu'une région aussi vaste et importante que la Syrie proclame dans le futur proche son indépendance, et qu'ensuite elle se mette à choisir un calife rival (Mu'âwiya ne se proclamait alors pas calife – il ne le fit qu'après l'arbitrage et suite à ce que l'un des deux arbitres avait alors proposé –, mais Alî pensait peut-être qu'il y avait le risque que cela se produise dans un futur proche).
Par contre, Alî considérait peut-être que, du moment qu'ils n'attaquaient personne, le seul bagh'y des Kharijites ne constituait pas une menace pour la Dâr ul-islâm, car leur groupe constitué était circonscrit géographiquement à Harûrâ, une localité proche de Kûfa, siège du califat ; cela n'était donc pas une mafsada suffisamment importante pour entraîner la nécessité de les combattre. Etant donné qu'ils avaient des croyances déviantes – bid'a i'tiqâdiyya –, il fallait malgré tout faire son possible pour les inviter à revenir à la droiture, et c'est pourquoi Alî avait envoyé Ibn Abbâs argumenter devant eux et qu'il continuait à correspondre avec eux. Une fois qu'ils firent couler le sang, par contre, la mafsada était suffisamment importante pour entraîner la nécessité de les combattre.
Seconde proposition) Alî était d'avis que le calife a le devoir de combattre le premier les bughât (gens de Jamal ou de Siffîn comme Kharijites), mais ce à condition (bi sharti an) que le fait de les combattre ne soit pas susceptible d'entraîner une mafsada plus grande encore que la mafsada de leur bagh'y. Dès lors, s'il combattit les gens de Siffîn le premier, c'est parce qu'il pensait qu'il était en situation de régler ce problème de façon assez aisée.
Par contre, s'il ne combattit pas les Kharijites le premier, c'est parce que, déjà occupé par le problème de la Syrie, il sentait bien qu'il ne pouvait pas se permettre d'ouvrir un nouveau front ("ولأنه لو قاتلهم قبل المحاربة لربما غضبت لهم قبائلهم وتفرقوا على علي رضي الله عنه وقد كان حاجته إلى مداراة عسكره واستئلافهم كحال النبي صلى الله عليه وسلم في حاجته في أول الأمر إلى استئلاف المنافقين" : As-Sârim, pp. 183-184 ; d'ailleurs Ibn Hajar a relaté que, contre les Kharijites, ce furent les forces armées qu'il avait massées pour en fait aller combattre une seconde fois Mu'âwiya, en Syrie, que Alî utilisa : FB 12/355). Par contre, une fois que ces nouveaux bughât qu'étaient les Kharijites firent couler le sang de musulmans innocents, là il n'eut plus d'autre choix que celui d'agir contre eux. Troisième proposition) Alî a finalement pensé que l'avis correct est de ne pas combattre les bughât le premier mais de parlementer avec eux ; il fit donc vis-à-vis des Kharijites ce dont il pensa finalement qu'il aurait dû le faire vis-à-vis des gens de Mu'âwiya.
Dès lors, le Hadîth exhortant à combattre les Kharijites est à comprendre dans le sens d'une exhortation à les combattre non pas de façon inconditionnelle (mutlaqan) mais parce qu'eux-mêmes combattront les premiers. C'est ce qu'exprime une version du Hadîth, où, avant les mots :"لئن أدركتهم لأقتلنهم قتل عاد", on lit explicitement : "يقتلون أهل الإسلام" : "ils tueront des musulmans" (al-Bukhârî 3166, 6995, Muslim 1064). C'est cela, le pivot (manât) de la règle (hukm).
Va dans le même sens que cela : l'explication que Ibn Hajar a donnée de la version qui estinconditionnelle : "لئن أدركتهم لأقتلنهم قتل ثمود" (al-Bukhârî, 4094, Muslim, 1064) : Ibn Hajar l'a commentée ainsi : "وقد استشكل قوله "لئن أدركتهم لأقتلنهم" مع أنه نهى خالدا عن قتل أصلهم. وأجيب بأنه أراد: إدراك خروجهم واعتراضهم المسلمين بالسيف؛ ولم يكن ظهر ذلك في زمانه؛ وأول ما ظهر في زمان علي، كما هو مشهور" (FB 8/87).
Cette troisième proposition d'explication correspond à l'avis B.B : c'est parce que Alî n'a pas combattu le premier les Kharijites que le calife ne doit pas combattre le premier les bughât (cf. Al-Hidâya 1/587). Et c'est à cet avis B.B que j'adhère.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
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| Sujet: ARTICLE 5 Mar 6 Sep - 19:32 | |
| Le califat de Yazîd ibn Mu'âwiya - Le martyre de al-Hussein (que Dieu l'agrée) à KerbalaYazîd ibn Mu'âwiya : Au moment où Mu'âwiya rend son dernier souffle à Damas, Yazîd se trouve à Hawârîn, près de Alep. En apprenant la nouvelle, il rentre à Damas, où il se rend directement au cimetière, et va prier sur la tombe de son père (WK p. 142). Yazîd fait ensuite annoncer qu'il va faire un discours, rentre chez lui où il prend un bain et change ses habits, puis fait son discours. Il s'agit d'un discours, commente as-Sanbhalî, qui indique une personnalité digne et douée de connaissances islamiques (WK, p. 142). Ensuite Yazîd fait envoyer à al-Walîd ibn 'Uqba, gouverneur de Médine, la nouvelle de la mort de son père ; il lui écrit aussi de demander aux Médinites de lui faire allégeance en tant que calife, et de commencer par les "piliers" des Quraysh et surtout par al-Hussein ibn Alî (WK p. 157). D'après une autre version, il a cité les noms de Abdullâh ibn Omar, Abdullâh ibn uz-Zubayr et al-Hussein ibn Alî (WK p. 155). A Médine, sitôt le message reçu, al-Walîd fait mander Abdullâh ibn uz-Zubayr et al-Hussein (que Dieu les agrée) et leur demande de faire allégeance au nouveau calife (WK p. 157). D'après une version, Abdullâh ibn uz-Zubayr et al-Hussein viennent tous deux, ne font pas allégeance et demandent de remettre l'affaire à un peu plus tard ; d'après une autre version, seul al-Hussein vient, ne fait pas allégeance et demande de remettre l'affaire à plus tard (WK pp. 156-157). Abdullâh ibn uz-Zubayr quitte aussitôt Médine et prend le chemin de la Mecque. Une nuit plus tard, al-Hussein fait de même (WK pp. 160-161). Abdullâh ibn uz-Zubayr évite la voie habituelle, tandis que al-Hussein voyage par cette voie (Ibid. p. 162). Al-Hussein arrive à La Mecque le 4 cha'bân 60, sans avoir été inquiété pendant son voyage (Ibid. p. 162). A La Mecque, il s'installe dans une maison de ses proches, et des gens lui rendent visite (WK p. 169). La nouvelle de sa venue à La Mecque arrive à la ville irakienne de Kufa ; des lettres commencent bientôt à affluer de cette ville : leurs auteurs invitent al-Hussein à venir à Kufa pour qu'ils fassent de lui leur dirigeant. En fait, depuis déjà dix ans (depuis le décès de al-Hassan en l'an 50) des gens de Kufa invitaient al-Hussein à venir dans leur ville pour devenir leur dirigeant, mais à chaque fois il refusait : il avait fait allégeance à Mu'âwiya et entendait donc la respecter (cf. WK pp. 64-68). Or maintenant al-Hussein n'est plus empêché, car il n'a pas fait allégeance à Yazîd. Et les lettres sont en grand nombre, ce qui laisse augurer la réussite d'un soulèvement. La première lettre que al-Hussein a reçue comporte ces mots : "(…) Nous n'avons pas de dirigeant. Viens, peut-être que Dieu nous réunira par ton moyen sur la vérité (…)"(WK pp. 169-170). En fait Kufa a bien un dirigeant, en la personne de an-Nu'mân ibn Bashîr, un Compagnon du Prophète, qui y est gouverneur de la part de l'autorité califale de Damas ; mais ce que l'auteur de cette lettre affirme c'est que les gens de Kufa sont prêts à renvoyer ce gouverneur à Damas (Ibid.). Muhammad ibn ul-Hanafiyya, frère consanguin de al-Hussein, ne cesse d'implorer son frère de ne pas accorder d'attention à ces appels (WK p. 165). Ses recommandations restent sans effet : vers le milieu du mois de ramadan 60, al-Hussein envoie à Kufa son cousin Muslim ibn 'Aqîl pour qu'il constate de visu la situation là-bas (WK p. 182). A Kufa, Muslim ibn 'Aqîl entre en contact avec les personnes intéressées par la venue de al-Hussein et l'établissement d'un émirat qu'il dirigerait. Il reçoit au nom de al-Hussein l'allégeance d'un grand nombre de personnes. Ses activités ne restent cependant pas longtemps cachées, et an-Nu'mân ibn Bashîr fait un discours public dans lequel il met les habitants en garde contre les risques de divisions (WK p. 171). Muslim ibn 'Aqîl envoie à al-Hussein une lettre lui disant que les choses vont pour le mieux à Kufa, et qu'il peut y venir confiant dans les appels de ceux qui lui avaient écrit des lettres ; la lettre de Muslim parviendra à al-Hussein au mois de dhu-l-qa'da 60 (WK p. 182). Ce que Muslim ignore pendant qu'il envoie sa lettre à al-Hussein, c'est que les mises en garde de an-Nu'mân ont paru trop timorées à un proche des Umayyades présent à Kufa ; et celui-ci a écrit au calife à Damas pour le mettre au courant de la situation. Et c'est quand la lettre de Muslim à al-Hussein a déjà quitté la ville qu'un nouveau gouverneur est nommé pour Kufa en la personne de Ubaydullâh ibn Ziyâd, jusqu'alors gouverneur de la ville voisine de Bassora seulement (WK p. 172). Dès qu'il a pris ses fonctions à Kufa, Ibn Ziyad fait un discours public : sur un ton dur, il y profère des menaces explicites et demande que tout dirigeant de tribu connaissant qu'un membre de sa tribu héberge chez lui un étranger doit en avertir le gouverneur (WK pp. 172-173). Dès qu'il apprend la nouvelle, Muslim change d'hôte : il se rend chez Hâni ibn 'Urwa. Hélas, il ne réalise pas que la situation est en train de changer et qu'il lui faudrait envoyer une nouvelle lettre à al-Hussein pour lui dire de ne pas venir ; il n'entreprend donc rien en ce sens (WK p. 176). Ibn Ziyâd ne tarde pas à apprendre que c'est Hânî ibn 'Urwa qui héberge Muslim ibn 'Aqîl. Quand Hânî subit un interrogatoire chez le gouverneur et que Muslim l'apprend, il cherche à rassembler les personnes qui lui avaient fait allégeance, afin qu'elles fassent front ; un certain nombre de ces personnes se réunissent effectivement à son appel pour faire face à Ibn Ziyâd, mais le gouverneur réussit à les faire disperser et Muslim se retrouve seul. Il est emprisonné le 8 dhu-l-hijja de l'an 60 (WK pp. 178-179). Avant d'être exécuté, il réussit à demander à Muhammad ibn ul-Ash'ath de faire parvenir à al-Hussein la nouvelle du revirement de situation et de lui faire dire de ne plus venir (WK p. 182). Or c'est ce même jour – le 8 dhu-l-hijja 60 – que al-Hussein quitte la Mecque avec les siens pour se rendre à Kufa (WK p. 183). Jusqu'au dernier moment, des Compagnons et des proches lui ont demandé de renoncer à se rendre là-bas : Abdullâh ibn Abbâs, Abû Bakr ibn Abd ir-Rahmân, Jâbir ibn Abdillâh, Miswar ibn Makhrama, Abû Sa'ïd al-Khud'rî (WK pp. 183-187), Abdullâh ibn Omar (MS 2/347). Mais rien n'y a fait : déterminé, al-Hussein a pris le chemin de Kufa. C'est seulement lorsqu'il s'est considérablement rapproché de son but et qu'il est parvenu à Zubbâla qu'un émissaire, envoyé par Muhammad ibn ul-Ash'ath, le rencontre et le met au courant du retournement de situation survenu à Kufa (WK pp. 197-198). Lors d'une autre étape encore, à Tha'labiyya, un autre homme vient et informe le groupe de al-Hussein de la mort de Muslim et de Hânî ; il prie instamment al-Hussein et les siens de retourner de là où ils viennent. Mais les proches parents de Muslim s'écrient aussitôt qu'ils n'ont maintenant plus d'autre solution que celle de venger Muslim. Al-Hussein pense à retourner ; mais face à la détermination de ces proches de Muslim, il décide de continuer (WK pp. 199-200). Avançant encore, il incurve sa trajectoire et prend la direction de Kerbala. Ibn Ziyâd a chargé Omar ibn Sa'd d'intercepter al-Hussein ; Omar ibn Sa'd demande qu'on lui épargne cette tâche mais Ibn Ziyâd se montre intransigeant (WK p. 203). Al-Hussein est arrivé à Kerbala et se retrouve, lui et son groupe, face à au détachement conduit par Omar ibn Sa'd. Al-Hussein demande alors qu'on lui donne le choix entre trois possibilités : – qu'on le conduise à la frontière pour qu'il combatte l'ennemi aux côtés de musulmans ; – qu'on le laisse retourner de là où il était parti (La Mecque) ; – ou qu'on le conduise près de Yazîd pour qu'il lui fasse allégeance. (Ces trois propositions sont relatées dans les livres d'histoire, et Ibn Taymiyya comme as-Sanbhalî les ont également citées : MS 2/173, 323, 356, 369, WK, pp. 203-205, voir aussi pp. 26-29, et aussi pp. 248-249, où est reproduit le passage du livre Spirit of Islam où Amir Alî, célèbre chiite, reconnaît la véracité de ces trois propositions de la part de al-Hussein.) Omar ibn Sa'd envoie un émissaire informer Ibn Ziyâd des propositions de al-Hussein. Mais le gouverneur se montre intraitable : il refuse les trois propositions et exige que al-Hussein se constitue prisonnier (WK pp. 204-206). Al-Hussein refuse. On ne lui offre comme choix que celui d'être emprisonné : il résiste. Et c'est le combat. Al-Hussein tombe, tué en martyr dans la plaine de Kerbala le 10 muharram de l'an 61. - Pourquoi al-Hussein s'est-il rendu en Irak ? 1) Il avait comme objectif d'établir à Kufa un émirat qui serait autonome par rapport au califat. Ce point-là est certain. 2) Avait-il aussi comme objectif d'étendre par la suite cet émirat aux autres régions jusqu'à renverser Yazîd ? Je ne peux pas en être sûr, mais c'est en tous cas ce que as-Sanbhalî a écrit : "(…) Je pense donc – et c'est même, en fait, ce qu'indiquent les récits – qu'après la proposition concernant l'investiture de Yazîd, al-Hussein a pris la décision suivante : "Si Yazîd devient calife, alors si la situation le permet, je ne manquerai aucunement à fournir les efforts voulus pour que ce califat soit remplacé". Apparemment c'est cette décision que al-Hussein considérait comme un devoir religieux, et c'est pourquoi il refusa absolument de la changer tant que la situation elle-même ne fut pas devenue telle qu'il ne put faire autrement. Dieu sait mieux la vérité" (WK, p. 188, note de bas de page de l'auteur). - Ces objectifs ne contredisent-ils pas des principes clairs, édictés par le Prophète ? 1) Le premier objectif (établir un émirat à Kufa : al-bagh'y al-mujarrad) ne contredisait-il pas le principe édicté par le Prophète : "Celui qui vient à vous, alors que votre affaire est tout entière (confiée à) un homme, voulant diviser votre communauté, tuez-le" (rapporté par Muslim, n° 1852) ? En fait al-Hussein pensait que toute la communauté n'était justement pas rangée sous la direction de Yazîd, et qu'il ne se trouvait donc pas dans le cas où "votre affaire est tout entière confiée à un homme", puisqu'une région importante – Kufa – l'invitait à devenir son dirigeant à elle. Ce fut donc, pensa peut-être al-Hussein, une situation comparable à celle de l'époque de Alî, quand la Syrie ne reconnut pas l'autorité califale de celui-ci : Alî avait dit que ce n'était que sur la base d'un avis personnel qu'il marchait contre Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr, et non pas sur la base d'un Hadîth du Prophète. Ceci entraîne que Alî avait alors pensé que ce Hadîth "Celui qui vient à vous, alors que votre affaire est tout entière (confiée à) un homme, voulant diviser votre communauté, tuez-le" n'était pas applicable au cas de Aïcha, puis plus tard de Mu'âwiya, et que ce n'était que sur la base d'un avis personnel qu'il marchait contre ce dernier. Ceci signifie que 'Alî pensait (et al-Hussein comme lui) que ce Hadîth ne concernait que les cas où tout le monde s'est mis d'accord sur le calife. Etant donné que ce n'était pas le cas de Yazîd, que Kûfa ne reconnaissait pas, ce Hadîth ne s'appliquait pas... 2) Le second objectif (remplacer le califat de Yazîd : naz' us-sulta 'an Yazîd) ne contredisait-il pas les Hadîths où le Prophète a demandé de ne pas se soulever contre l'autorité même si le dirigeant fait des péchés graves et même s'il commet des abus ?
En fait l'avis de al-Hussein (comme celui d'ailleurs de Abdullâh ibn uz-Zubayr) était au contraire qu'il est permis, et même nécessaire, au cas où cela paraît réalisable, de se soulever contre le dirigeant dans certains cas ; Ibn Hazm n'a d'ailleurs fait que suivre cet avis (cf. FMAN 3/100-101). Pourquoi pensait-il que le califat de Yazîd devait être remplacé, nous le verrons plus bas...
Ibn Taymiyya, qui est quant à lui d'un tout autre avis, a cité les raisons ayant amené al-Hussein et ces autres ulémas à avoir cet avis-là malgré l'existence de ces Hadîths : a) soit al-Hussein n'a pas eu connaissance de ces textes ; b) soit il en a eu connaissance mais il a pensé que ces textes étaient abrogés, ou bien qu'ils n'étaient pas abrogés mais concernaient des situations autres que celle à laquelle il faisait alors face (cf. MS 2/350-351).
Pour plus de détails sur cet avis de Ibn Hazm et l'avis relaté par Ibn Taymiyya, lire La question du choix du dirigeant. Qu'est-ce que al-Hussein reprochait à Yazîd au point qu'il voulut établir un émirat autonome à Kufa et, éventuellement (s'il avait aussi le 2nd objectif), renverser le califat de Yazîd ? Certains répondent à cette question en disant que Yazîd était un buveur invétéré d'alcool.
Le problème qui se pose alors est que le fait de dire cela conduit à dire que Mu'âwiya, Compagnon du Prophète, fut un irresponsable puisque c'est lui qui avait proposé que Yazîd soit calife après lui. Or penser cela d'un Compagnon est impossible ! Certains résolvent alors ce problème, écrit as-Sanbhalî, en disant : "Yazîd était bien tant que Mu'âwiya était vivant, et c'est pourquoi il n'y a aucun reproche à faire à Mu'âwiya qui l'a proposé comme futur calife. Mais c'est immédiatement après la mort de Mu'âwiya que Yazîd devint buveur d'alcool et donc fâssiq".
Pourtant, poursuit as-Sanbhalî, cela ne peut pas être la cause du départ de Hussein pour Kufa, car il ne s'écoula pas plus de deux mois entre le moment où la nouvelle de la mort de Mu'âwiya parvint à al-Hussein à Médine et le moment où il envoya Muslim ibn 'Aqîl pour constater la situation à Kufa et voir s'il convenait qu'il s'y rende. Deux mois ne constituent pas une période suffisante pour qu'il devienne de notoriété publique qu'Untel, qui, auparavant, était un homme bien, est devenu un grand buveur d'alcool (WK pp. 33-34). De plus, jamais al-Hussein n'a argué de cette idée pour justifier le fait qu'il refusait de lui faire allégeance (WK p. 142). La vérité est que al-Hussein n'avait pas la même vision des choses que son frère al-Hassan, qui était d'un caractère plus conciliant. Quand al-Hussein avait su que son frère projetait de se désister de toute prétention au califat au profit de Mu'âwiya, il lui avait clairement exprimé son désaccord. Pour lui, agir ainsi c'était en quelque sorte manquer de mémoire au fait que Mu'âwiya avait refusé de reconnaître le califat de leur père Alî : et il avait dit à son frère : "Je te demande au nom de Dieu ne pas faire passer ton père pour menteur et Mu'âwiya pour véridique" (Ibn ul-Athîr, cité dans WK p. 59). Al-Hassan était, lui, d'un tout autre caractère : depuis le début il avait été opposé à ce que son père engage des combats contre Mu'âwiya même si celui-ci ne se soumettait pas à sa légitime autorité. On se souvient qu'il avait prié son père de ne pas le faire et que quand son père l'eût fait il lui avait reproché de ne pas l'avoir écouté. Et quand al-Hussein lui reprocha de se désister de toute prétention au califat, al-Hassan lui répondit donc un laconique : "Je suis plus informé que toi" (Ibid.). D'après Ibn Kathîr, face aux insistances de son frère, il lui avait même dit : "Je pense que je devrais t'enfermer à la maison et ne pas te laisser en sortir jusqu'à ce que j'aie réalisé la concorde" (cité dans WK p. 59).
Cependant, ensuite, lorsque al-Hassan avait effectivement remis les responsabilités du califat entre les mains de Mu'âwiya, al-Hussein avait lui aussi fait allégeance à ce dernier (WK pp. 58-60). Mais il l'avait fait par résignation (parce qu'il avait réalisé qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement) et non par contentement du cœur ; car au fond de lui-même il pensait toujours que le califat de Mu'âwiya reposait sur des fondements discutables : avant l'arbitrage de l'an 37, Mu'âwiya avait refusé de faire allégeance à Alî en tant que calife, et, après l'arbitrage, il s'était présenté comme étant lui-même le calife. Al-Hussein pensait donc que son frère avait eu tort de se désister en faveur de Mu'âwiya. Mais il pensait aussi que, ayant fait allégeance à Mu'âwiya, il avait le devoir d'être fidèle à celle-ci.
Cependant, quand il vit que ce fut maintenant Yazîd, le fils de Mu'âwiya, qui devint calife, il pensa que cette fois c'en était trop et qu'il avait désormais comme devoir moral de s'opposer à la tournure que prenaient les choses.
As-Sanbhalî écrit : "(…) Pour al-Hussein, l'époque de Mu'âwiya avait été une époque à accepter non pas avec joie mais parce qu'on n'avait pas pu faire autrement. Lorsqu'à la fin il y eut la proposition de Yazîd comme futur calife, d'après ce qui est relaté, al-Hussein se mit à penser : "Que vais-je répondre à Dieu si je ne combats pas Mu'âwiya ?" Je pense donc – et c'est même, en fait, ce qu'indiquent les récits – qu'après la proposition concernant l'investiture de Yazîd, al-Hussein prit la décision suivante : "Si Yazîd devient calife, alors si la situation le permet, je ne manquerai aucunement à fournir les efforts voulus pour que ce califat soit remplacé". Apparemment c'est cette décision que al-Hussein considérait comme un devoir religieux, et c'est pourquoi il refusa absolument de la changer tant que la situation ne fut pas devenue telle qu'il ne put plus rien faire. Dieu sait mieux la vérité" (WK, p. 188, note de bas de page).
Abu-l-Hassan Alî an-Nadwî dit à peu près la même chose : al-Hussein pressentait que le califat empruntait la voie de la royauté, une voie très différente de celle sur laquelle il devait aller. Al-Hussein voulait donc renverser le pouvoir en place ("qalb ul-hukm" : RFWD 1/32, 73) avec l'objectif de conduire ensuite de nouveau le califat sur sa voie idéale et de le rendre de nouveau conforme à son modèle idéal, celui qui avait été le sien sous les quatre premiers califes ("iqâmatu hukûma islâmiyya râshida min jadîd" : RFWD 1/32, "i'âdat ul-khilâfa ilâ nissâbihâ" : RFWD 1/73). Ce qu'il pensait donc est qu'il avait comme devoir de faire le "nah'y 'an il-munkar", empêcher ce qui ne va pas ; et il pensait qu'en pareil cas, quand les discussions ne suffisent pas à convaincre l'autorité en place, le recours à la force peut et doit se faire dès lors que la situation est telle qu'on pense d'une part qu'apparemment cela réussira (FMAN 3/100) et d'autre part que le bien qui verra le jour par le rétablissement du modèle idéal sera plus important que le mal que constitueront les batailles que ce remplacement du calife pourrait occasionner. Dans ce cas, pourquoi al-Hussein changea-t-il d'avis quand il fut intercepté par le détachement de Omar ibn Sa'd ? En fait il n'attendit pas d'être en présence de ce détachement pour vouloir s'en retourner de là où il était venu : bien plus tôt, quand il avait appris que la situation avait totalement changé à Kufa, il avait voulu rebrousser chemin, mais ce furent les frères de Muslim ibn 'Aqîl qui avaient insisté pour continuer. 1) Par rapport au premier objectif, la raison de ce changement d'avis est évidente : il avait pris le chemin de Kufa parce qu'il y avait été invité par nombre de ses habitants, qui n'étaient pas rangés sous la bannière de Yazîd. Maintenant qu'il avait appris que ce n'était plus le cas et que tout le monde avait accepté l'autorité de Yazîd, il n'avait plus de raison de s'y rendre. 2) Et par rapport au second objectif, la raison est également claire : son avis était qu'il est nécessaire de changer au besoin par la force ce qui ne convient pas si la situation est telle que le soulèvement a des chances de réussir. Or il lui était devenu évident que la situation ne le permettait pas, notamment parce qu'il avait appris que les gens de Kufa s'étaient rangés sous la bannière de Yazîd. - Telle fut la façon de penser de al-Hussein, et il fut sincère dans cette façon de penser. Mais son avis fut-il juste ou bien fit-il alors une erreur d'interprétation (khata' fi-l-ijtihâd) ? Ibn Khaldûn rappelle que d'un côté l'avis de al-Hussein était que, disposant de la capacité pour ce faire, il avait le devoir de se soulever contre Yazîd (MT p. 269), et que, de l'autre côté, l'avis de nombreux autres Compagnons, au Hedjaz, en Syrie et en Irak était qu'il n'était pas autorisé de se soulever contre Yazîd, car cela occasionnerait des batailles et verserait donc le sang (MT p. 270). Al-Hussein comme ces autres Compagnons, écrit Ibn Khaldûn, avaient fait chacun un effort d'interprétation (ijtihâd) différent, qui avait conduit l'un et les autres à avoir un avis différent : al-Hussein savait bien que l'avis de ces autres Compagnons était le résultat d'un ijtihad, et c'est pourquoi il ne leur reprocha jamais de ne pas l'accompagner et de ne pas l'aider dans ce qu'il voulait entreprendre (MT pp. 270-271). De leur côté, si ces autres Compagnons désapprouvaient l'entreprise de al-Hussein, ils ne le considérèrent pas non plus comme l'auteur d'une faute morale, car ils savaient que son avis aussi était fondé sur un ijtihad ("lam yutâbi'u-l-Hussein ... wa lâ aththamûhu, li annahû mujtahid" : MT p. 270). Ibn Khaldûn rappelle de plus que la mise à mort de al-Hussein n'a pas été faite avec comme fondement un ijtihad de la part de ces Compagnons (MT pp. 270-271), mais comme une décision de la part du gouverneur seul. De ces deux avis opposés, lequel était juste (swawâb) ?
--- Ibn Khaldûn semble être du nombre des ulémas qui pensent (à l'instar de al-Ash'arî) que lorsqu'il y a ainsi, à propos d'un point donné, deux efforts d'interprétation différents ayant conduit à deux avis totalement contradictoires, les deux sont justes : en effet, car il a écrit que al-Hussein était sur un avis juste et fondé sur un ijtihad ("'alâ haqq wa-j'tihâd") et que les autres Compagnons étaient eux aussi sur un avis juste et fondé sur un ijtihâd ("'alâ haqq aydhan wa-j'tihâd").
--- Or la position correcte à ce sujet est que, dans pareil cas de figure, un seul des deux avis est juste, même si le fait pour le savant d'avoir fait l'effort d'interprétation ayant conduit à l'avis erroné est louable et même si cela lui rapportera une récompense auprès de Dieu (contre deux si l'effort d'interprétation l'avait conduit à l'avis juste) (cf. MS 1/207, 3/30). Et quel fut l'avis juste à ce sujet, nous allons le voir ci-après... ----- Si on considère l'avis de Ibn Hazm : Si on considère juste l'effort d'interprétation (ijtihad) de al-Hussein (celui qui sera repris plus tard par Ibn Hazm), selon lequel il est permis de se soulever ainsi contre le dirigeant lorsqu'il ne suit pas la voie voulue, alors al-Hussein fit simplement une erreur d'appréciation (khata' fî fahm il-wâqi') : les gens de Kufa étaient fort changeants, prompts à faire des déclarations enflammées et à se désister ensuite, et enclins à critiquer tous les dirigeants qu'ils avaient ; al-Hussein n'aurait donc pas dû se baser sur leurs lettres. Ibn Khaldûn écrit : "Pour ce qui est du principe islamique, (al-Hussein) ne fit pas d'erreur sur le sujet ; (mais) son application était liée à sa perception (de la réalité) ; et il pensait avoir les capacités voulues pour cela" (MT, p. 270)."Par rapport à la capacité [nécessaire pour mener cette entreprise], il fit une erreur d'appréciation, que Dieu lui fasse miséricorde" (MT, p. 270). Ces lignes de Ibn Khaldûn indiquent-elles qu'il pensait lui aussi, à l'instar de Ibn Hazm, que c'est cet avis de al-Hussein qui était juste ? Cela est difficle à certifier parce que, comme nous l'avons vu, la position de Ibn Khaldûn semble être qu'en pésence de deux ijtihads contradictoires mais tous deux fondés, les deux avis sont justes...
Quoi qu'il en soit, c'est sur cette erreur d'appréciation que certains des Compagnons qui supplièrent jusqu'au dernier moment al-Hussein de ne pas se rendre à Kufa avaient semblé vouloir attirer son attention :
– al-Miswar ibn Makhrama lui avait dit : "Ne te fie ni aux lettres des gens de l'Irak, ni à l'affirmation de Ibn uz-Zubayr qui te garantit que ces gens-là t'aideront" (WK p. 187) ; – Abû Bakr ibn Abd ir-Rahmân : "… Ceux-là même qui t'ont promis de t'aider te combattront" (WK p. 186) ; – Muhammad ibn al-Hanafiyya et Abdullâh ibn Abbâs lui avaient également tenu des propos l'invitant à vérifier soigneusement et longuement si les gens voulaient effectivement que ce soit lui leur dirigeant (propos cités dans WK en p. 163 et en p. 184 respectivement).
Ces quelques Compagnons-là étaient-ils eux aussi d'avis, comme al-Hussein, qu'en cas de puissance suffisante on peut se soulever contre le dirigeant ? Ou bien voulaient-ils seulement lui dire que, sans même parler du caractère moral de ce qu'il voulait entreprendre, cela était de toute façon voué à l'échec et qu'il ne devait donc pas le faire ? Je ne sais pas (لا أدري). ----- Et au regard de l'avis sur lequel la position des Sunnites s'est établie : 1) Par rapport au premier objectif cité plus haut (établir un émirat autonome à Kufa parce que les habitants de cette ville n'étaient pas rangés sous la bannière de Yazîd), il fit apparemment une erreur d'interprétation (khata' fi-l-ijtihâd). L'avis correct à ce sujet est que lorsque la grande partie des représentants des musulmans (ahl ul-hall wa-l-'aqd) a fait allégeance à un homme, les autres ont le devoir de se soumettre à son autorité (et donc de ne pas faire al-bagh'y, wa law mujarradan) (cf. MS 1/204). 2) Et si on considère qu'il avait également le second objectif cité plus haut (se soulever par la suite contre le califat de Yazîd), ce fut aussi une erreur d'interprétation (khata' fi-l-ijtihâd), comme l'ont écrit Ibn Taymiyya et Ibn ul-'Arabî. L'avis correct est que les Hadîths relatifs à ce sujet sont inconditionnels : il ne faut pas organiser de révolte contre l'autorité établie.
C'est sur cette erreur d'interprétation que certains Compagnons semblèrent avoir voulu attirer l'attention de al-Hussein quand ils le supplièrent de ne pas se rendre à Kufa :
– Wâthila ibn Wâqid al-Laythî : "Cette sortie n'est pas permise…" ; – Abû Sa'îd al-Khud'rî lui avait dit : "… Reste chez toi et ne sors pas contre le dirigeant" ; – Jâbir ibn Abdillâh : "… Ne mène pas les musulmans à entrer en conflit les uns contre les autres" (propos cités dans WK p. 187).
L'infaillibilité dans les avis et dans les actes n'appartient qu'au Prophète et non – comme le pensent les Chiites – à Alî et sa descendance aussi. Ibn Taymiyya écrit : "L'opinion la plus connue chez les Sunnites est qu'ils ne sont pas d'avis d'organiser la révolte armée contre les dirigeants, même si ceux-ci sont oppresseurs, comme le montrent les nombreux Hadîths relatés du Prophète" (MS 2/125). "Ceci car les torts [le sang vient fatalement à couler] qu'une révolte armée contre le pouvoir entraîne sont plus importants que ceux qui existent quand on subit des injustices de la part de ce pouvoir ; or un tort ne peut pas être repoussé par un tort plus grand" (MS 2/125). "Lorsqu'un calife tel que Yazîd, Abd ul-Malik ou al-Mansûr arrive au pouvoir, dire qu'il est nécessaire de se soulever contre lui afin de le remplacer – comme le font ceux qui pensent que c'est ce qu'il faut faire – n'est pas une opinion pertinente. Car le tort que cela entraîne est plus grand que son bien. Rares sont les cas où il y a eu une révolte armée contre le pouvoir et où le tort que cela a engendré n'a pas été plus grand que le bienfait que cela a apporté. On peut prendre l'exemple de ceux qui se sont soulevés à Médine contre Yazîd, ou celui de Ibn ul-Ash'ath lorsqu'il s'est soulevé en Irak contre Abd ul-Malik, ou celui de Ibn ul-Muhallab qui s'est soulevé au Khorassan contre son père, ou encore celui de Abû Muslim qui a organisé la révolte également au Khorassan, ou celui de ceux qui se sont soulevés à Médine et à Bassora contre al-Mansûr. Ceux qui se soulèvent ainsi soit leur révolte échoue, soit elle réussit mais ils sont ensuite éliminés : Abdullâh ibn Alî et Abû Muslim ont tué quantité de gens (pour les besoins de la révolte), ensuite Abû Ja'far al-Mansûr [celui pour qui ils avaient organisé la révolte] les a fait tuer tous les deux. Quant aux gens de al-Harra, quant à Ibn ul-Ash'ath et Ibn ul-Muhallab, leur révolte a de toute façon échoué (…)" (MS 2/346). "Tout ceci montre que le fait que le Prophète ait ordonné de ne pas se soulever contre les dirigeants malgré les abus de ces derniers est cause de bien pour les hommes, aussi bien par rapport à ce qui est lié à l'au-delà qu'à ce qui est lié à ce monde ; et que celui qui a agi différemment de ce que le Prophète a dit là – qu'il l'ait fait avec la volonté délibérée d'agir différemment ou qu'il l'ait fait par erreur d'interprétation –, son action n'a pas apporté du bien mais du tort" (MS 2/347). "Celui qui médite les Hadîths authentiques relatés du Prophète à ce sujet saura que ce qu'ils disent est ce qui est le plus convenable" (Ibid.). "C'est pourquoi, lorsque al-Hussein voulut partir pour l'Irak quand ses habitants lui eurent écrit de nombreuses lettres, les plus grands personnages en science et en pratique le conseillèrent de ne pas partir : il y eut Ibn Omar, Ibn Abbas, Abû Bakr ibn Abd ir-Rahmân ibn il-Hârith ibn Hishâm (…). Dieu et Son Messager ne disent de faire que ce dans quoi il y a du bien et non du tort. Mais le savant tantôt trouve l'avis juste et tantôt se trompe. Il apparut ensuite que les choses étaient comme ces personnages l'avaient dit, puisque l'entreprise de Al-Hussein n'apporta du bien ni par rapport à ce qui est religieux ni par rapport à ce qui est temporel. Au contraire, les injustes eurent l'occasion de tuer le petit-fils du Prophète. (…) Ce que al-Hussein voulait réaliser de bien ne se réalisa pas et ce qu'il voulait changer de mal ne fut pas changé. Le mal ne fit qu'empirer" (MS 2/347). Attention, cependant : on ne se permet pas de dénigrer (ta'n) le petit-fils du Prophète – comme le font les Nâssibites (ceux qui dénigrent Alî et les siens). D'une façon générale on ne dénigre aucun Compagnon ni aucun savant ; s'ajoute à cela dans ce cas précis le fait que le Prophète a ordonné de respecter sa famille. On ne se permettrait donc pas de dire que al-Hussein avait une ambition personnelle ou qu'il aurait délibérément contredit les Hadîths du Prophète disant de ne pas chercher à concurrencer une autorité. On est convaincu – comme on l'a déjà dit plus haut – qu'il était sincère dans son interprétation, mais qu'il a fait une erreur dans celle-ci, probablement parce que les Hadîths relatifs à ce sujet ne lui sont pas parvenus, ou bien parce que s'ils lui sont parvenus il les a considérés abrogés ou il a considéré qu'ils ne s'appliquaient pas à ce cas précis (MS 2/350-351). Le savant qui fait une erreur d'interprétation a la promesse de recevoir une récompense de la part de Dieu, contre deux s'il arrive à la bonne interprétation. - Certains Nâssibites disent ici : "Le Prophète a dit : "Celui qui vient à vous, alors que votre affaire est tout entière (confiée à) un homme, voulant diviser votre communauté, tuez-le" (rapporté par Muslim, n° 1852) ; même si al-Hussein fut induit en erreur par les gens de Kufa, croyant que celle-ci refusait le commandement de Yazîd, même s'il a fait une interprétation qui lui rapportera une récompense, cela concerne sa relation personnelle avec Dieu ; mais dans les faits, il était bel et bien en train de diviser la communauté, puisqu'elle s'était tout entière rangée sous la direction de Yazîd ; d'après les normes extraites du Livre de Dieu et de la Sunna de Son Messager, Ibn Ziyâd eut donc entièrement raison d'ordonner de mettre à mort al-Hussein". "Ceci est totalement faux", répondons-nous. En fait c'est là un autre extrême, à côté de celui des Chiites. Nous Sunnites disons que certes al-Hussein a fait une erreur d'interprétation, mais nous disons aussi que sa mise à mort est totalement injustifiée. En effet, lorsque al-Hussein apprit que les gens de Kufa s'étaient rétractés et qu'il comprit qu'ils s'étaient donc rangés eux aussi sous la bannière de Yazîd, il demanda explicitement au détachement conduit par Omar ibn Sa'd ibn Abî Waqqâs et venu l'intercepter de lui donner le choix entre trois possibilités : le conduire à Yazîd pour qu'il lui fasse allégeance, le laisser retourner de là où il était venu, ou de le conduire à la frontière pour qu'il participe aux combats qui y avaient lieu contre l'ennemi. Omar ibn Sa'd accepta et transmit ces propositions à Ibn Ziyâd, gouverneur de Kufa. C'est lui qui refusa. Comme l'a écrit Ibn Taymiyya, la permission donnée par le Hadîth de mettre fin à la vie de celui qui divise la communauté lorsque celle-ci a reconnu l'autorité d'un calife ne s'applique aucunement à al-Hussein, puisque celui-ci demandait tout au contraire à être conduit auprès du calife pour en reconnaître l'autorité ! Al-Hussein n'a donc été tué qu'en se défendant (MS 2/356, 369, 3/333). Aussi a-t-il été tué injustement, et il est mort martyr (MS 2/355). La mise à mort de al-Hussein constitue une très grave faute pour ceux qui l'ont tué, et une faute également grave pour ceux qui approuvent sa mise à mort (MS 2/355). C'est bien pourquoi, une fois, lorsque l'ange Gabriel l'avait informé que le très jeune petit-fils qu'il tenait sur ses genoux serait un jour tué par des gens de sa Umma, le Prophète avait versé des larmes (Mishkât, hadîths authentifiés dans Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 821, 822). Et si Abdullâh ibn Omar était de ceux qui avaient imploré al-Hussein de ne pas partir en réponse à l'appel des gens de l'Irak (comme nous l'avons vu plus haut), il ne manqua pas, plus tard, de reprocher aux Irakiens d'avoir invité al-Hussein à venir puis de l'avoir laissé entre les mains de gens qui l'ont mis à mort : un musulman de cette région étant venu lui demander si le sang du moustique était impur (d'après une autre version : si le musulman pouvait, en état de sacralisation, ihrâm, tuer une mouche), Abdullâh ibn Omar fit comme réponse : "Regardez celui-là. Il me questionne au sujet du sang du moustique alors qu'ils ont tué le petit-fils du Prophète [= l'ont lâchement abandonné à son sort après l'avoir invité à venir à Kufa]. J'avais entendu le Prophète dire [à propos de al-Hassan et de al-Hussein] : "Ce sont mes deux fleurs parfumées dans ce monde"" (al-Bukhârî 5648, 3543). - A qui revient la faute de la mort de al-Hussein ? Yazîd n'a pas ordonné à Ibn Ziyâd de faire tuer al-Hussein (MS 2/323, 2/358). Par contre il avait bien ordonné qu'on empêche al-Hussein d'établir une autorité [sur l'Irak] (MS 2/358).
Yazîd pleura lorsqu'il apprit ce qui s'était passé et il dit : "J'aurais été satisfait de l'obéissance, sans qu'il y ait mort de al-Hussein."
Exprimant son désaveu par rapport à l'ordre donné par Ibn Ziyâd de mettre à mort al-Hussein, il dit de Ibn Ziyâd : "S'il y avait eu un lien de parenté entre lui et al-Hussein, il ne l'aurait pas (fait) tuer !" "Que Dieu le maudisse, si j'avais été à sa place, j'aurais excusé al-Hussein" (MRH, p. 33, WK, pp. 258-259). Un récit dit que la tête de al-Hussein fut transporté jusqu'à Yazîd qui témoigna d'un manque total de respect vis-à-vis de cette dépouille mortelle.
Ce récit est faux, répond Ibn Taymiyya : le récit où l'on voit quelqu'un manquer de respect vis-à-vis de cette dépouille de al-Hussein s'est déroulé avec Ibn Ziyâd, Anas ibn Mâlik étant alors présent sur les lieux et ayant reproché cet acte au gouverneur (al-Bukhârî 3537, at-Tirmidhî 3778) ; Abû Barza al-Aslamî était alors aussi présent (MRH) ; le récit mettant en scène à ce sujet Yazîd n'est pas authentique (MRH, p. 18, p. 33). La responsabilité de la mort de al-Hussein revient à Ibn Ziyâd, qui refusa les trois demandes de al-Hussein – que lui avait retransmises Omar ibn Sa'd – et ne lui offrit comme choix que celui d'être emprisonné, chose à laquelle il n'avait pas à se plier. Une question subsiste, et as-Sanbhalî n'a pas manqué de la relever : Lorsque al-Hussein a dit qu'il acceptait de se rendre auprès de Yazîd pour en reconnaître le califat, pourquoi Ibn Ziyâd, simple gouverneur, a-t-il refusé, dépassant même la volonté du calife, qui – nous venons de le voir – se serait satisfait de la simple reconnaissance de son autorité califale ?
As-Sanbhalî y répond en disant qu'apparemment, Ibn Ziyâd avait un caractère fort dur. De plus, il s'est montré dans cette affaire "plus royaliste que le roi" ("bâdshâh sé ziyâda bâdhsâh kâ wafâdâr") c'est-à-dire "plus défenseur du califat que le calife lui-même". As-Sanbhalî reconnaît que ce ne sont là que quelques pistes de réflexion et qu'il n'a à ce jour pas pu trouver de réponse entièrement satisfaisante à ce qui demeure une énigme (WK, pp. 276-280). - Et que dire à propos de Yazîd ? – Certains affirment qu'il était un incroyant et qu'il n'exprimait son appartenance à l'islam que par hypocrisie ("kâfir munâfiq"). – A l'autre extrême, d'autres affirment que c'était un homme très pieux et un dirigeant ayant fait régner la justice. – Ibn Taymiyya écrit que ces deux positions sont erronées (MF 4/482-483, voir aussi MS 2/342-343) et qu'en fait Yazîd était un roi parmi les rois musulmans ayant existé : d'un côté il n'était pas incroyant, de l'autre il y a le fait qu'alors qu'il était calife, il n'a pas cherché à punir les auteurs du martyre de al-Hussein et il y a le fait qu'il a ordonné ce qu'il a ordonné à propos des gens de Médine en l'an 63 à al-Harra (MF 4/485). – Al-Ghazâlî pense qu'on peut exprimer de l'affection (mahabba) pour Yazîd. Ceci car, premièrement, il n'est nullement responsable de la mort de al-Hussein. Quant à la tuerie de al-Harra, Yazîd a fait une interprétation et s'est trompé (akhta'a fi-jtihâdih).
De plus, le Prophète avait dit que Dieu accorderait Son pardon aux gens qui participeraient à la première campagne vers Constantinople (al-Bukhârî 2766) ; or cette première campagne fut sous le commandement de Yazîd, à l'époque où Mu'âwiya était calife (MF 4/486, MS 2/ 353, FB commentaire du hadîth n° 2766, notes de bas de page sur AMQ p. 215). Abû Ayyûb al-Ansârî, qui avait été dans le groupe de Alî, a même servi sous les ordres de Yazîd pendant cette campagne effectuée pendant le califat de Mu'âwiya (MS 2/353). – Ibn Taymiyya est pour sa part d'avis que le mieux est de ne pas se prononcer à propos de Yazîd : on n'exprime pas d'imprécation contre lui mais on n'exprime pas non plus d'affection particulière pour lui. C'est, écrit Ibn Taymiyya, la position de Ahmad ibn Hanbal et de certains hanbalites (MF 4/486). Il est à noter que Ahmad ibn Hanbal ne prenait pas les Hadîths dans la chaîne desquels se trouve Yazîd, arguant que c'est lui qui avait ordonné la tuerie de al-Harra à Médine (MRH p. 31, MS 2/365). - Le califat de Abdullâh ibn uz-Zubayr (que Dieu les agrée) : Lire des lignes concernant ce califat dans l'article suivant. - Un dernier mot à propos du fait que des batailles ont pu opposer ainsi des Compagnons : Voici la formule appropriée à ce sujet : "Nous aimons tous les Compagnons, disons du bien d'eux tous, avons de la compassion pour eux tous et prions Dieu en faveur d'eux tous. Mais nous considérons que l'infaillibilité dans les avis qu'on formule (al-'isma min al-khata' fi-l-ijtihâd) n'appartient qu'au Messager de Dieu" (d'après MF 4/434). Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
Religion : ISLAM Sexe : Messages : 1145
| Sujet: ARTICLE 6 Mar 6 Sep - 21:00 | |
| Le califat de Abdullâh ibn uz-Zubayr (que Dieu l'agrée)Abdullâh ibn uz-Zubayr (que Dieu l'agrée) : Yazîd a bientôt à faire face à une seconde fronde : celle menée par Abdullâh ibn uz-Zubayr. Il ne faudrait pas croire que Ibn uz-Zubayr se soit présenté comme contre-calife face à Yazîd (FB 13/240). Tout au contraire, si dans un premier temps Abdullâh ibn uz-Zubayr avait refusé de faire allégeance à Yazîd, par la suite il avait accepté de la lui faire ; mais Yazîd avait exigé alors qu'il se constitue prisonnier ; Ibn uz-Zubayr avait refusé ; et la mésentente avait repris (MS 2/344). En l'an 63 les habitants de Médine rejettent l'autorité de Yazîd en expulsant le gouverneur qu'il avait nommé dans leur ville. Yazîd envoie alors une armée sous le commandement de Muslim ibn 'Uqba. La majorité des médinites font face mais sont vaincus ; Muslim ibn 'Uqba décrète 3 jours de pillage dans Médine (FB 13/88). C'est seulement après la mort de Yazîd, survenue en rabî' ul-awwal 64, que Ibn uz-Zubayr se dit calife. Les gens du Hedjaz lui font alors allégeance.
Pendant ce temps les gens de Syrie font allégeance au fils de Yazîd, lequel porte le même prénom que son grand-père, Mu'âwiya. Mais ce Mu'âwiya fils de Yazîd meurt cependant environ une quarantaine de jours après cette investiture. La majorité des régions musulmanes fait alors allégeance à Ibn uz-Zubayr : le Hedjaz, le Yémen, l'Egypte, l'Irak, tout le Machreq, et toute la Syrie, Damas incluse (FB 13/240-241). Marwân ibn ul-Hakam lui-même pense faire allégeance à Ibn uz-Zubayr ; mais il ne le fait finalement pas (FB 13/88). Repliés sur la Palestine, les Banû Umayya et ceux qui sont de leur côté refusent de faire allégeance à Ibn uz-Zubayr, et font allégeance à Marwân (FB 13/240-241 13/91). De leur côté les kharidjites, qui existent toujours, se soulèvent à Bassora, menés par Nâfi' ibn ul-Az'raq (FB 12/356, 13/91). Abû Barza, Compagnon du Prophète, déplore alors cette situation confuse (al-Bukhârî 6695). Les troubles qui suivent constituent, d'après Shâh Waliyyullâh, ce que le Prophète avait prédit quand il avait, de son vivant, parlé de la future "discorde des ahlâs" (HB 2/579-580). Abû Hurayra, se fondant probablement sur une parole du Prophète, avait compris que les années soixante de l'hégire seraient pleines de troubles et il avait prié Dieu en ces termes : "O Dieu, fais que ne m'atteignent pas l'année 60 et l'autorité des enfants" (Ibn Abî Shayba, cité dans FB 13/14). - Envoyé par Marwân, Ibn Ziyâd écrase les kharidjites à 'Ayn ul-warda (FB 13/91). De la Palestine les Umayyades commencent alors une lente "reconquête" de "leur autorité". En dhu-l-hijja 64, Marwân et adh-Dhahhâk ibn Qays (gouverneur de Damas, qui a fait allégeance à Abdullâh ibn az-Zubayr) se livrent bataille à Marj Râhit. La victoire revient à Marwân, qui établit ainsi son autorité sur la Syrie. Marwân se dirige ensuite vers l'Egypte, qu'il parvient à dominer en rabî' ul-awwal 65. Il meurt la même année, après avoir désigné Abd ul-Malik ibn Marwân comme son successeur. Bientôt l'autorité de Abd ul-Malik s'étend à la Syrie, à l'Egypte et au Maghreb, tandis que celle deIbn uz-Zubayr couvre le Hedjaz, le Machreq et l'Irak (sauf la parenthèse de al-Mukhtâr ibn 'Ubayd ath-Thaqafî, qui, de Kufa, appelle à l'établissement d'un califat pour la descendance du Prophète, et qui durera jusqu'à ramadan 67, date à laquelle il sera tué par les Umayyades). En djumâdâ al-âkhira 71, Abd ul-Malik est parvenu à étendre son autorité jusque sur l'Irak, et Ibn az-Zubayr ne domine plus que le Hedjaz et le Yémen. En l'an 72, al-Hajjâj, aux ordres de Abd ul-Malik, assiège Ibn az-Zubayr. En djumâdâ al-ûlâ 73il est parvenu à le vaincre et le met à mort (tous ces détails figurent dans FB 13/240-241). Passant près du corps de Ibn az-Zubayr, que Al-Hajjâj a laissé volontairement exposé, Abdullâh ibn Omar s'exclame : "Que la paix soit sur toi, ô Abû Khubayb ! Que la paix soit sur toi, ô Abû Khubayb ! Que la paix soit sur toi, ô Abû Khubayb ! Par Dieu, je t'avais dit de ne pas faire cela ! Par Dieu, je t'avais dit de ne pas faire cela ! Par Dieu, je t'avais dit de ne pas faire cela ! Par Dieu, autant que je le sache, tu jeûnais beaucoup, priais beaucoup et entretenais de très bonnes relations avec les gens de ta parenté. Par Dieu, une Communauté dont quelqu'un comme toi est le mauvais serait vraiment une communauté de bien !" Al-Hajjâj, auquel on a rapporté ces propos de Ibn Omar, ordonne alors de donner une sépulture à Ibn uz-Zubayr (Muslim 2545). L'autorité des Umayyades est désormais établie sur l'ensemble des terres musulmanes. Elle durera jusqu'à ce que les Abbassides se lancent à la conquête du pouvoir, dans la première partie du 2nd siècle de l'hégire. - La reconstruction de la Kaaba par Abdullâh ibn uz-Zubayr d'après les fondations du prophète Abraham (sur lui soit la paix) : Lire à ce sujet notre article. - Les 12 premiers califes : qui sont-ils ? D'après Ibn Hajar, les 12 premiers califes ont été, dans l'ordre : - Abû Bakr, - Omar, - 'Uthmân, - 'Alî, - al-Hassan ibn 'Alî, - Mu'âwiya, - Yazîd ibn Mu'âwiya, - Abdullâh ibn uz-Zubayr, - 'Abd ul-Malik ibn Marwân, - al-Walîd ibn Abd il-Malik, - Sulaymân ibn ul-Walîd, - Omar ibn Abd il-Azîz (FB 13/264-265). Ibn Abi-l-'izz a un avis différent à propos de al-Hassan ibn Alî et de Abdullâh ibn uz-Zubayr (cf. ShAT 2/736-737).
Il a pourtant lui-même écrit, sur une autre page, que al-Hassan ibn Alî fut calife pendant les 6 mois qui suivirent la mort de 'Alî (Ibid., p. 722). Concernant Abdullâh ibn uz-Zubayr, c'est aussi l'avis de Ibn Hajar qui paraît juste : ont été califes ceux dont l'autorité a été établie, et ce fut le cas de ce Compagnon. Le califat des 4 premiers personnages a constitué le califat "bien guidé" ("al-khilâfa ar-râshida"), "sur le modèle du prophétat" ("al-khilâfa 'alâ minhâj in-nubuwwa"). Par ailleurs : – Les 3 premiers califes – Abû Bakr, Omar et Uthmân – ont disposé d'une autorité administrative ("wilâya") établie sur la totalité des terres musulmanes. Après eux, cela a été le cas également de Mu'âwiya, puis, plus tard, de Abd ul-Malik et d'autres califes postérieurs. – Par contre, Alî, al-Hassan ibn Alî, Yazîd et Ibn uz-Zubayr n'ont pas vu leur autorité reconnue par la totalité des terres musulmanes (MS 3/344). - Un dernier mot à propos du fait que des batailles ont pu opposer ainsi des Compagnons : Voici la formule appropriée à ce sujet : "Nous aimons tous les Compagnons, disons du bien d'eux tous, avons de la compassion pour eux tous et prions Dieu en faveur d'eux tous. Mais nous considérons que l'infaillibilité dans les avis qu'on formule (al-'isma min al-khata' fi-l-ijtihâd) n'appartient qu'au Messager de Dieu" (d'après MF 4/434). Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux). ----------------------------------------------------------- *FIN*----------------------------------------------------------- Source : Les batailles qui ont eu lieu entre certains Compagnons (مشاجرات الصحابة) | |
| | | safraoui Tribunus Inter-religieux
Religion : Islam Sexe : Messages : 660
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Ven 9 Sep - 11:45 | |
| hibat a écrit : - Citation :
- Pourquoi 'Alî (que Dieu l'agrée) avait-il marché contre les gens de Jamal et de Siffîn, mais pas contre les Kharijites, alors que tous deux étaient Bughât ?
Dans 2 autres articles : - Le malentendu entre 'Alî et Mu'âwiya (que Dieu les agrée), - Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (II), cela c'est la version des beni- omeya ; je te propose de visionner certaines videos sur les compagnons du prophetes et en particulier sur satan Mu'âwiya et ensuite on parlera du reste : video1 à 27 : https://www.youtube.com/watch?v=MqLDnCdCg7Y ............................. https://www.youtube.com/watch?v=j7kYmkY-yk8 farhan el maliki video 1 à 3 : https://www.youtube.com/watch?v=F6bBdlZc9As ............................. https://www.youtube.com/watch?v=1wwupb2WD_o | |
| | | Averroes Magistrat Inter-religieux
Religion : Musulman Sexe : Messages : 1626
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Dim 11 Sep - 20:31 | |
| - safraoui a écrit:
- hibat a écrit :
- Citation :
- Pourquoi 'Alî (que Dieu l'agrée) avait-il marché contre les gens de Jamal et de Siffîn, mais pas contre les Kharijites, alors que tous deux étaient Bughât ?
Dans 2 autres articles : - Le malentendu entre 'Alî et Mu'âwiya (que Dieu les agrée), - Le "nah'y 'an il-munkar" fait par l'autorité par rapport à la "tâ'ïfa mumtani'a" (II),
cela c'est la version des beni- omeya ; je te propose de visionner certaines videos sur les compagnons du prophetes et en particulier sur satan Mu'âwiya et ensuite on parlera du reste :
video1 à 27 : https://www.youtube.com/watch?v=MqLDnCdCg7Y .............................
https://www.youtube.com/watch?v=j7kYmkY-yk8
farhan el maliki video 1 à 3 :
https://www.youtube.com/watch?v=F6bBdlZc9As .............................
https://www.youtube.com/watch?v=1wwupb2WD_o satan Mu'âwiya...Rien que cela ! | |
| | | safraoui Tribunus Inter-religieux
Religion : Islam Sexe : Messages : 660
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Lun 12 Sep - 16:43 | |
| Averros a écrit : - Citation :
- satan Mu'âwiya...Rien que cela !
ce qu'a dit le prophete concernant Mu'âwiya https://www.youtube.com/watch?v=92t1S83qEP4 bataille du chameau https://www.youtube.com/watch?v=dRQK4bmJSls bataille de safine https://www.youtube.com/watch?v=hdnW0S7Yaas https://www.youtube.com/watch?v=S-NNbXm1F1A https://www.youtube.com/watch?v=OFJ3SoWXZ7w | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
Religion : ISLAM Sexe : Messages : 1145
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Jeu 15 Sep - 23:28 | |
| - Averroes a écrit:
- satan Mu'âwiya...Rien que cela !
c'est parce qu'il réclamais justice pour Othmane .... alors que le dossier de son assassinat n'a jamais été déclassé, les assassins n'ont jamais été condamnés, mais pourquoi ? Personne ne veut savoir, tout le monde s'agrippe à Mouaaouiya et mange sa peau... plutôt croque ses ossements alors qu'il était lui-même victime.... Et oui, Faraon n'est pas un satan, les juifs qui massacrent les palestiniens ne sont pas des satans, parce que c'est des juifs élus du veau d'or... et les croisés évangéliques qui déchirent le moyen orient ne sont pas des satans, si tu comprends quelque chose, je te prie de m'expliquer En fait, à moins que je n'ai zappé quelques passages, je n'ai jamais entendu parler d'un hadith rapporté par Mouaaouiya sur la sira nabaouiya, il me semble qu''il n'a jamais été une référence spirituelle pour les sunnites (ouf, heureusement, mais ça change quoi ? De toutes façons nous sommes mangés vifs juste parce qu'on ne l'excommunie pas !), il y a de plus éminents que lui certes, et ce qui s'était passé comme conflit entre lui et Ali est un malentendu, et on reconnait que Mouaaouiya s'est trompé et que Ali était le plus proche de la vérité car c'était un Calife bien guidé auquel il faut s'agripper et qu'il est meilleur que Mouaaouiya ?! Que veut-on de plus ? Je comprends pas ! - safraoui a écrit:
- Averros a écrit :
- Citation :
- satan Mu'âwiya...Rien que cela !
ce qu'a dit le prophete concernant Mu'âwiya Qu'est-ce qu'il a dit au juste ? Tes vidéos disent que les noms des sahabas ne sont pas cités dans le Coran sauf Zayd , donc le Coran ne dit rien sur Mouaaouiya , autant s'arrêter là !! | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
Religion : ISLAM Sexe : Messages : 1145
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Ven 16 Sep - 18:29 | |
| Et épargne-nous des charlatanerie de Adnan Ibrahim qui a vendu sa terre. | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
Religion : ISLAM Sexe : Messages : 1145
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Ven 16 Sep - 18:39 | |
| Un détail de l'histoire qui a été occulté :
Mouaouiya lui-même a échappé à une tentative d'assassinat par les mêmes khawarij dissident contre Ali.
http://library.islamweb.net/newlibrary/display_book.php?flag=1&bk_no=60&ID=6533 | |
| | | safraoui Tribunus Inter-religieux
Religion : Islam Sexe : Messages : 660
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Sam 17 Sep - 17:11 | |
| hibat allah a écrit : - Citation :
- c'est parce qu'il réclamais justice pour Othmane PBS .... alors que le dossier de son assassinat n'a jamais été déclassé, les assassins n'ont jamais été condamnés, mais pourquoi ? Personne ne veut savoir, tout le monde s'agrippe à Mouaaouiya PBS et mange sa peau... plutôt croque ses ossements alors qu'il était lui-même victime..
durant son règne mouawya n'a jamais réclamais justice pour Othman !!! video : à partir de la 4 emme mn https://www.youtube.com/watch?v=EMxFAXgRd9w : هل رسول الله لعن معاوية بن ابي سفيانvideo : https://www.youtube.com/watch?v=aRqjWWUklPk | |
| | | Hibat Allah Membre Ώ
Religion : ISLAM Sexe : Messages : 1145
| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits Sam 17 Sep - 19:24 | |
| Question : Que dit Adnane Ibrahim au sujet de la Palestine et des sionistes ? ------------------- https://www.youtube.com/watch?v=4o2FprNpyWM&feature=youtu.be ------------------- - safraoui a écrit:
-
- Citation :
- c'est parce qu'il réclamais justice pour Othmane PBS .... alors que le dossier de son assassinat n'a jamais été déclassé, les assassins n'ont jamais été condamnés, mais pourquoi ? Personne ne veut savoir, tout le monde s'agrippe à Mouaaouiya PBS et mange sa peau... plutôt croque ses ossements alors qu'il était lui-même victime..
durant son règne mouawya n'a jamais réclamais justice pour Othman !!! C'est sous le règne d'Ali que Mouaaouiya réclamait justice pour Othmane, L'origine du conflit entre Mouaaouiya et Ali , c'est que, ce dernier, Ali, durant son règne, n'a jamais réclamé justice pour Othmane , tu peux nous expliquer pourquoi ? La réponse est dans les articles que j'ai précédemment postés, par honnêteté intellectuelle, tu devrais les lire. | |
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| Sujet: Re: Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits | |
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| | | | Les mésententes sunnisme/chiisme : aux origines des conflits | |
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